En guise de résumé :
Notre narratrice s’embarque à Marseille. Destination : Alger. Après une traversée nocturne sur le bateau Tariq, la voilà qu’elle débarque à Alger où l’attend Sofiane, un ami. C’est avec ce dernier qu’elle découvrira les premiers signes de la vie intenable des Algériens. Après une courte halte à la capitale, la voilà repartie pour Sidi Bel Abbès. Dans cette dernière ville, elle est accueillie par des amis qui s’occupaient du théâtre de la ville. Après une virée nocturne dans un bar de la ville et autres sorties en ville, la narratrice s’était rendu compte des nombreuses facettes de la misère que la population vivait. Au dernier moment, elle arrive à Oran chez Amina. Une plongée dans le monde strictement féminin avant le retour vers la France.
Jugements et critiques :
Mon pays étranger est en fait un récit autobiographie agréable à lire. Le voyage en Afrique du Nord qui ne dure qu’un mois est surtout un prétexte pour insérer un autre récit, l’aventure intérieure de la narratrice éternellement confrontée à la présence de son amie Nina qui s’est suicidée après un chagrin d’amour et la présence du père, un kabyle dont les traces demeurent à jamais inscrites dans les pensées de la jeune fille. Les souvenirs d’enfance et d’adolescence font partie eux aussi du voyage. Tout acte, fait ou geste est relié par à un souvenir enfoui dans la mémoire de la voyageuse. Nina et le pater sont toujours présents. Ils sont même invités à partager les visions, constats et opinions de la narratrice. Ils s’insèrent dans la trame du récit par un jeu subtil de convocations, de sollicitations et d’appels.
S’apparentant à un reportage sur l’Algérie du XXIème siècle, ce roman est aussi le constat sur la faillite d’un système politique qui n’a servi qu’à déshumaniser les citoyens depuis 1962. Au détour de chaque chapitre, c’est le procès du régime algérien qui est fait. La présence récurrente de références à ‘la France’ montre que les liens ne sont jamais rompus avec cette dernière. Objet de haines et d’amours, elle s’est insérée et ne veut plus s’y détacher de la vie des algériens. Elle faisait partie du passé et fait désormais partie du présent.
L’auteur raconte sans détours ses aventures dans une langue simple, accessible et compréhensible, loin des jargons académiques creux dont se délectent certains auteurs. Mais quelques critiques peuvent être formulées à ce roman.
Certains passages descriptifs sont redondants et trop longs. De plus, à la fin du roman, nous sentons que nous sommes toujours sur notre faim : la jeune numide ne verra pas tamurt ou le vrai pays du pater. Certes, elle se justifie un peu en affirmant ne pas aller uniquement pour déposer des fleurs sur une tombe où il n’y aura que des os. Mais symboliquement, ce geste ne valait-il pas le détour ? Ou est-ce le véritable objectif de la jeune fille à savoir laisser le père demeurer à jamais inaccessible ? Désirs ambigus ? On ne saurait répondre.
Pour ne pas conclure :
Le roman de Sandrine Charlemagne vient se rajouter à la production d’un mouvement littéraire qui commençait à prendre forme à partir des années 80 en France et formé essentiellement de descendants d’immigrés et/ou de couples mixtes. Une génération d’écrivains qui ne se reconnaît ni dans les littératures nationales des pays africains francophones, ni dans les courants de la littérature française de la fin du 20ème siècle.
Sandrine Charlemagne a déjà publié une pièce de théâtre Anastasia (L’Harmattan, Paris) et a animé divers ateliers d’écriture en France et en Afrique du Nord. Elle s’est aussi intéressée au théâtre de Mohya.
Saïd CHEMAKH
Sandrine Charlemagne, Mon Pays étranger, éditions La différence, Paris, 2012,.
En guise de préface, une correspondance avec Armand Gatti.