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Hawad honoré en Occitanie

Le "Prix Ostana des écritures en langue maternelle" honore le poète et peintre amazigh HAWAD et lui décerne le Prix spécial.

lundi 12 juin 2023, par Masin

Le "Prix Ostana : écrits en langue maternelle" est un rendez-vous avec les langues maternelles à travers le monde qui réunit chaque année à Ostana (CN), village occitan au pied du Monviso, des auteurs de langue maternelle du monde entier pour un festival de la “biodiversité linguistique” . Les organisateurs de ce Prix ont choisi comme devise de l’édition 2023 "Qui ten la lenga, ten la clau" (en occitan), qui veut dire "Qui garde la langue, garde la clé", expression que l’on doit à Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature en 1904. C’est donc un hommage à ce monument de la littérature occitane.

C’est le poète peintre et écrivain amazigh HAWAD que le jury de la 15ème édition du Prix Ostana de l’écriture en langue maternelle a choisi pour lui décerner le Prix Spécial. A travers Hawad, c’est la langue amazighe qui est mise à l’honneur lors de cette édition, aux côtés du basque et asturien (Espagne) ; franco-provençal (Val d’Aoste) ; corse (France) ; gaélique (Ecosse) et, comme toujours, l’occitan.

“Hawad reçoit le Prix Spécial 2023 pour son engagement et sa détermination à promouvoir dans toute sa richesse l’usage de sa langue, la Tamajaght (Touareg), et de son alphabet d’origine, les Tifinagh, afin de faire résonner sa culture au-delà des frontières. Par une abondante production littéraire et picturale, Hawad favorise la diffusion des textes originaux qu’il crée (éditions bilingues, enregistrements sur CD, vidéos, lectures publiques, entretiens) et se démarque par son travail défendant une perspective nomade dans la sauvegarde des droits de son peuple.” C’est ainsi que le Jury du Prix motive le décernement du Prix à Hawad.

Poète amazigh et peintre de la Tenéré, Hawad est né dans l’Aïr au sein de la confédération des Ikazkazen à laquelle il appartient. Élevé dans un monde nomade, sa jeunesse est marquée par des récits de la résistance anticoloniale que ses ancêtres ont menée jusqu’au début du XXe siècle, une résistance qui leur a coûté cher et a décimé les rangs des résistants et leurs familles. Dès l’enfance, il a vécu dans sa chair le dépeçage du territoire touareg divisé entre 5 Etats héritiers de la colonisation (Niger, Mali, actuel Burkina Faso, Algérie, Libye), les entraves à la mobilité nomade, l’interdiction des caravanes, la destruction des ressources pastorales, la paupérisation du monde nomade, la pollution et les ravages sanitaires produits par les essais nucléaires français au Sahara et par l’exploitation du pétrole, du gaz et de l’uranium sur les terres touareg, enfin les arrestations arbitraires (dont il a fait l’expérience à de nombreuses reprises) et les massacres de civils par l’armée ou les milices anti-insurrectionnelles chaque fois que les Touareg réclament leurs droits légitimes dans les Etats où ils vivent. Sa poésie met en scène la violence du désastre et de la destruction du corps de la terre et de la société. Pour poursuivre la marche au-delà du chaos, il utilise une langue poétique qui puise son rythme, son énergie et sa démesure, dans le chaos lui-même.
Son objectif dans le travail d’écriture autant que de peinture qu’il mène depuis près de quarante ans a été “de tenter de dépasser le pouvoir clos des mots, des signes et des représentations”. L’artiste et écrivain amazigh de la Tenéré tient à préciser que, sur le plan graphique :

Ma démarche est partie d’un outil hérité de mes ancêtres, les signes tifinagh (alphabet touareg) dont je m’empare pour les pousser au bout de leur trajectoire, que je détourne, décompose et recompose pour les remettre en mouvement.

C’est ce travail que HAWAD appelle “la furigraphie”, Zardazgheneb en tamazight, “Furieuse comme le cri de rage qui fait voler en éclat les barrières, les entraves et les immobilismes les plus fossilisés”.

On peut ajouter que l’œuvre de Hawad suggère une voie originale pour la libération de Tamazgha et de tous les exclus, une voie hors des modèles établis qui rétrécissent l’imaginaire et empêchent de se réinventer dans la dite "modernité".
Voici ce qu’il répond lorsqu’on lui demande de définir ce qu’il appelle “Zardazgheneb” (furigraphie) :

La furigraphie est un moyen de sortir de soi, d’arriver à un surnomadisme hors d’un temps et d’un espace confisqués, de dessiner un soi multiple et insaisissable, doué d’ubiquité. C’est une tentative pour dépasser les contraintes, les contradictions et l’écartèlement entre passé, présent et futur, entre intérieur et extérieur, entre soi et les autres. Et l’horizon n’est pas seulement devant nous, il est aussi celui qui nous épaule et que nous halons. Il faut faire fusionner ces horizons, les malaxer et les réinventer, fabriquer les passerelles de paraboles et de paradoxes pour obtenir un tissage inédit. Pour moi, voici la force même de la poésie et de l’art. Recycler en surnomadisme le nomadisme exclu de son espace et de son temps…

Les organisateur de cette 15ème édition du Prix estiment que “Dans notre contemporanéité, où le mot crise devient la norme plutôt que l’exception, la langue - ou mieux les langues - sont des clés capables d’ouvrir les portes de notre temps, des boussoles capables de nous orienter dans la confusion la plus générale, des dispositifs qui contiennent les problèmes et leurs solutions, parce qu’ils sont les produits d’une expérience humaine et esthétique, millénaire et irremplaçable”.

Nous tenons à féliciter HAWAD, notre compagnon de lutte, pour ce prix mérité. Nous en sommes fiers d’autant plus qu’il est décerné par une organisation occitane qui œuvre pour les langues maternelles et les peuples minorisés.

La cérémonie de remise des Prix aura lieu le dimanche 25 juin 2023 à Ostana (territoire occitan en Italie).

Les lauréats de cette édition sont : HAWAD, langue Tamajaght (Prix Spécial), Bernardo ATXAGA, langue basque (Prix international), Liliana BERTOLO BONIFACE, langue franco-provençale (Prix des minorités linguistiques historiques en Italie), Blanca I. FERNÁNDEZ QUINTANA, langue asturienne (Prix de la jeunesse), Monica LONGOBARDI, langue occitane (Prix de traduction), Sarah LAURENT-ZURAWCZAK, langue occitane (Prix de la langue occitane), Fiona MACKENZIE, langue gaélique (Prix de composition musicale) et Julie PERRARD, langue corse (Prix du cinéma).

HAWAD - Premio speciale - Nòvas d’Occitània

Programme de l’édition 2023 du Prix Ostana

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