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Algérie,
8 avril-20 avril : deux dates, une rupture.
par SID-LAKHDAR Boumédiene (*)
dimanche 18 avril 2004, par
Les uns se sont épanchés dans un délire de joie le 8 avril, les autres seront dans la rue le 20 avril pour brandir le seul bulletin de vote qui leur est accessible, la colère. Douze jours à peine suffiront pour mesurer l’ampleur du désastre national.
Cette distanciation entre des manifestations en Kabylie imprégnées des messages les plus forts et la perception à peine relevée de la communauté nationale est incompréhensible. On a cette impression surréaliste qu’une partie des algériens a célébré son culte, sa puissance et son gourou sans même se rendre compte, ou feindre de l’ignorer, qu’une partie de la communauté nationale est dans la douleur.
L’indescence de la fête post-électorale des uns face à la désespérance des autres, montre combien le fait national est enterré dans ses mythes, le dessin des démocrates englué dans ses incapacités et la conscience collective anesthésiée dans son indifférence.
Cela est choquant et ne présage rien de positif pour le destin de cette nation algérienne que bon nombre brandissent en étendard pour aussitôt le bafouer par un mépris et une marginalisation de la moindre expression différenciée.
Comme à chaque fois qu’il s’est agit de se joindre à une revendication légitime de nos compatriotes, occasion m’en est donnée de prendre mes responsabilités pour défendre la dignité d’une région qui est la nôtre. Une voix symbolique qui ne trouve écho que dans la résonance de sa conscience personnelle.
Bien entendu, il apparaîtrait plus facile pour certains qu’une nation se réclamât d’une seule origine historique, ne s’exprimât que d’une seule langue et qu’aucune autre conviction ne vînt troubler la sérénité d’une croyance religieuse dogmatique. On pourrait tout autant décréter que la revendication de la Kabylie est une vue de l’esprit et que ses habitants sont les otages d’appels subversifs et concurrents à l’idéologie nationale. On le pourrait, mais sans moi, et de toute façon, pour quel résultat ?
Aucun citoyen ne peut considérer la Kabylie comme une entité détachée de son pays natal. Aucun ne peut abdiquer face à la bêtise qui s’acharne à la soustraire de l’ensemble des composantes de la citoyenneté algérienne.
En revanche, et en équilibre avec ce qui vient d’être dit, je récuse sans réserve les arguments de ceux qui prétendent se joindre à la manifestation du 20 avril en ayant de longue date soutenu ce pouvoir dans les postes ministériels et les attitudes participatives. Ils ont choisi, qu’ils assument ! Leur revendication est à mes yeux irrecevable et indigne.
C’est le droit de la Kabylie à vivre sa culture et sa langue qui est intangible, pas celui de ceux qui se compromettent, fussent-ils berbérophones. Dans le cas contraire, il y aurait méprise sur l’engagement qui est le mien.
SID LAKHDAR Boumédiene
(*) Enseignant.