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Chérifa ou la voix terrible du Moyen-Atlas

dimanche 5 mars 2006, par webmestre

Née à Tazrout mu Ukhbou, près de Khénifra, Chérifa est âgée aujourd’hui de 37 ans. Elevée dans son village, elle n’a jamais fréquenté l’école, à l’instar de la quasi-totalité des filles de son âge dans sa région.

Elle a travaillé sa voix en plein air lors de son activité de bergère, à la maison lors des tâches ménagères ou encore lors des rencontres entre jeunes filles.
Dès l’âge de 16 ans, elle se produit dans les fêtes traditionnelles du village.

Au début des années 1980, elle rencontre le chanteur-vedette Rouicha. Cette rencontre conduit à sa consécration chanteuse-cheikha [1]. Elle a alors enregistré avec Rouicha mais aussi avec Meghni, Lamrabeth et Aziz Arim. Elle n’a cependant pas enregistré en son nom ; sa famille ne souhaitait pas qu’elle fasse du chant son gagne-pain.


Très vite elle s’imposera dans son pays avec sa voix exceptionnelle comparable aux voix de Tifrist, Rqya Âbbou et Hadda Ouâkki, toutes chanteuses de tamawayt [2] au Moyen-Atlas.

Venue en France en 1999, Chérifa avait impressionné le public parisien ému par la puissance et la rugosité de sa voix.

La poésie de Chérifa, tout comme celle des cheikhat du Moyen-Atlas, est une poésie profonde qui traite principalement de la vie quotidienne. C’est aussi une philosophie de la vie ; on y trouve des enseignements sur leur conception du monde. C’est une poésie très imagée, faite de métaphores où les choses sont dites à demi-mots. D’où la difficulté et la complexité de sa traduction.


Sous les pressions de son entourage et de certains de ses amis, Chérifa finit par rentrer en studio et enregistre son premier album, un album qui porte son nom. Un album Berber Blues produit par "From a Distance" en 2002.

Cet album comporte 6 titres (54:26). Le premier est intitulé Idr-d umalu zi εari ("l’ombre de la forêt"). Le deuxième titre Mayc y iwin yčawrt ? ("Qui est ton conseiller ?") traite d’amour ; une sorte d’échange entre deux amoureux. Dans Ndda s udbib nnan-i ("Le médecin m’a dit"), Chérifa évoque l’amour versatile... et en s’adressant à son bien aimé lui dit : "si je ne t’épouse, tu me quittera". Dans Ma gn tufit amazir ? ("Où as-tu élu domicile ?"), elle dit combien "les nuits sans [son] aimé sont longues" et que [...] "la nuit qu’il passe avec [elle] est courte !"

Il est indéniable qu’aujourd’hui, Chérifa, avec sa renommée internationale, contribue à la diffusion de l’art amazigh à travers la planète. Tamawayt est ainsi portée au plus haut niveau et pourra ainsi conquérir sa place dans le vaste champ des genres musicaux et artistiques que nous connaissons. Avec des artistes comme Chérifa, la culture amazighe survivra et résistera aux "marées"qui visent à la dévaster !



Ufrin

Décembre 2004.

Chérifa,
Produit par "FROM A DISTANCE"
Distribué par "Harmonia Mundi"


[1Cheikha/Cheikhat, Cheikh/Chyoukh est un terme arabe ; il est attribué aux musiciens-artistes populaires ou traditionnels. Ils interviennent généralement au sein des couches sociales les plus modestes souvent d’origine rurale. On retrouve cette appellation à travers l’ensemble de l’Afrique du Nord.

[2Improvisation en solo.

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