Accueil > Autres rubriques > Archives > Actualité-archives > Conférence sur l’autonomie de la Kabylie, en Kabylie.

Conférence sur l’autonomie de la Kabylie, en Kabylie.

Les autonomistes kabyles franchissent un autre pas !

lundi 18 août 2003, par Masin

Selon un communiqué du Service communicatin du MAK, la première conférence du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie "s’est déroulée dans des conditions d’organisation, de maîtrise et d’affluence idéales".

Plus de 250 délégués et une cinquantaine d’invités étaient présents au rendez-vous. Des délégués se sont déplacés de toutes les régions du Pays kabyle. Des messages de soutien seraient arrivés d’un peu partout dans le monde.

C’est le village d’Icherâiwen qui a eu à accueillir cette première rencontre d’une aussi grande importance du MAK. Il faut dire que c’est la première fois que le MAK sort des petites réunions organisées par ci par là.

En tant que militants de la cause amazighe, oeuvrant pour la souveraineté des Imazighen sur leur Terre, l’on ne peut que se réjouir d’une telle initiative qui est une contribution à la construction d’une conscience nationale amazighe, conscience indispensable pour l’accès à notre liberté et la libération de notre Pays.

Nous reproduisons ci-dessous le discours de politique générale prononcé par Ferhat Mehenni, porte parole du MAK, à l’ouverture de la conférence.


COMMISSION DE POLITIQUE GENERALE

DISCOURS D’ICHERÂIWEN

AZUL FELLAWEN AKKEN MA TELLAM. 

NEKWNI S UMUSSU N TIMANIT I TMURT N IQVAYLIYEN, YIWEN SEG WEN UR AS NTETTU ARA LXIR. AMA D TADDART ICERÂIWEN IGH IGREN IREBBI S LEQDER, I WUMI ARA NISSIN AZAL I LEBDA, AMA I INEVGAWEN NNEGH N LHERMA IGH ID ICEBBHEN TAGWNITT S WUDEMAWEN NSEN. TANEMMIRT I YAL YIWET I YAL YIWEN SEG WEN, TANEMMIRT I YAL YIWEN SEG WID ID IQEDCEN AKKEN TIMLITLIT-A A-DD TILI DI TALWIT D WAKKEN IWUTA. ASSA D LSAS AMAYNUT, D LSAS N UZEKKA ARA NESRES I TMURT N IQVAYLIYEN D WEGHREF AQVAYLI I LMEND N WAKKEN A NEZZUZEF LVATEL IGH YURZEN SEGW ASMI TEFRA AR ASSA. ITIJ N ICERÂIWEN, WIN ID YULIN ASSA D WIN N TIMANIT, D TILELLI, D WIN UR I&ELLIN ARA SI TEGNEWT NNE& AM AKKEN UR GHLIN UR &ELLIN WID ID GGA TADDART A : AMA D SI MUH U MHAND NEGH D ALI LAIMECHE. ASSA D ASS N TEGMATT TAQVAYLIT ARA IGEN AFUD I TIKLI NNEGH GHER TAFAT D IZERFAN NNEGH S WUDEM NNEGH D AGHREF S LEKMAL IS YUKLALEN AD IZDI LQEDD GER WIYAD. ZZMAN I DEG NEKNA ZDAT IHEQQAREN NNEGH IÂADDA IFUK. NEKWNI NGHIL D LEQDER I SEN NEXDEM NUTNI NWAN D-TAZMERT UR NESÂI NEGH D-TAMUSNI I DEG I NXUS I WSELHU N-IMAN NNEGH. IVAN-D AM YITIJ BELLI M-UR NERFID ARA IMAN NNEGH UR AGH IREFFED YIWEN, M-UR NHUREB GHEF TARWA NNE& ULAC WIN ARA TGHID. ASSA UR NETTKIL GHEF YIWEN NNIG IMAN NNEGH. ANFET ASEN I WID IQQAREN D ACU ARA NECC. MA NEXDEM TAXXAMT WEHHED NEGH, NEDDA KAN D WEBRID N-WATMATEN I VETTUN CCWAL I WAKKEN AD ZDIN TAGMATT. INIT ASEN : NEKWNI S YEQVAYLIYEN MACI D IZERMAN ITEDDUN GHEF UÂBBUD. MA YU&AL DGHA WUCCI NNEGH D 123 SI TARWA NNEGH I YAL SEGGWAS, YIF IT MA NEQQIM I LAZ. INIT ASEN WIN IV&AN AD ITTKEL GHEF KRA DI DDUNNIT A, XAS AD ITTKEL QVEL &EF YIMAN IS MACI GHEF SSEHRA. YERNU, IGH D ITTAWDEN SI SSEHRA HACA AGHAMMAC IS D-UGHEBBAR IS MAR-D KKREN. INIT ASEN NEKWNI MACI D ISELLUFEN IDDREN DI TEGLIMT N IZZAYRIYEN. NEKWNI I FI NETTKEL HACA AYEN ARA-D NHELLI S TIDI NNEGH. LEMMZIYYA UR TT TESÂI LHUKUMA N LZZAYER. INIT ASEN : NEKWNI AQLA-GH NEKKER-D GHEF IZERFAN NWEN D LEQDER N TARWA NWEN AZEKKA. INIT ASEN, IBWD-D WASSEN I DEG ARA-D LLINT W ALLEN AKKEN A-NEMYAÄQALET AKW D ATMATEN. INIT ASEN TIMANIT D LLSAS N TILELLI. TIMANIT AM AKKEN ARA-D TINID : "LZAYER D TADDART NNEGH, TAMURT N IQVAYLIYEN D AXXAM NNEGH".


Ce lundi 18 août 2003 et le village d’ICHERÂIWEN resteront gravés dans la mémoire de notre région. Ce village près de TIZI RACHED auquel nous rendons un vibrant hommage pour son réflexe fraternel de nous prendre dans ses bras et son flamboyant courage d’abriter cette première rencontre inédite en Algérie, portant sur l’autonomie de la Kabylie mérite toute notre déférence. Commencer l’écriture d’une nouvelle page de l’Histoire de la Kabylie à partir du village natal de deux immortels symboles kabyles que sont les poètes Si Muhand U Mhand et Ali Laimeche est, pour nous, un insigne honneur. En accueillant le Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie après les conclaves des Ârchs de la région, le village ICHERÂIWEN perpétue la tradition de lutte pour la liberté qui a toujours été la sienne. Les générations futures le retiendront sans aucun doute. Aussi, permettez-nous, chers frères du village de vous renouveler nos remerciements les plus sincères et de saluer toutes et tous nos illustres et honorables invités ici présents qui nous ont fait l’amabilité et l’honneur de partager ce moment privilégié , ce moment historique avec nous. Nous formulons le vœu que cette considération et cette estime que nous nous portons mutuellement aillent en se densifiant, en gagnant en épaisseur, en respect et en profondeur.

AY ATMATEN A TIYESSETMATIN !

L’idée de l’autonomie régionale pour la Kabylie, demandée publiquement le 5 juin 2001 dans le chaud des événements du printemps noir, est née chez ses initiateurs d’une série de prises de conscience dont les plus importantes sont les suivantes :

 1. Le peuple kabyle est une réalité intangible. Continuer de le nier revient, de notre point de vue, à cacher le soleil avec un tamis . Désormais, non seulement nous avons le droit de le revendiquer haut et fort mais aussi le devoir de l’assumer et de le défendre en tous lieux et en toutes circonstances et ce, quelle que soit la force du terrorisme politique ambiant qui sévit contre son affirmation et son émergence. Il faut rappeler que c’est au fait de l’avoir ignoré et de l’avoir tu que nous devons ces quarante ans de bras de fer et de confrontation permanents entre le pouvoir algérien et la Kabylie. En réalité, le déni de langue et d’identité que nous dénoncions depuis le printemps berbère de 1980, en cachait un autre plus grand : celui de l’existence du peuple kabyle. La revendication identitaire et linguistique amazighe dans laquelle des générations de Kabyles s’étaient tant investies contre le racisme du pouvoir algérien n’était en vérité que l’expression de notre difficulté à nous assumer en tant que Kabyles face à la répression. Il est donc venu le temps de déchirer le voile qui jusqu’ici offrait l’avantage pour chacun d’une sécurité physique par un confort langagier, mais qui avait aussi, pour tous, le lourd inconvénient de ne jamais crever l’abcès en traînant en longueur un problème qui n’a que trop duré, un mal qui ne nous a fait que trop souffrir. C’est un acte de toute noblesse que celui de revendiquer la reconnaissance nationale du peuple kabyle. Les élites et organisations algériennes qui ont apporté leur soutien au peuple sahraoui depuis tant d’années ne peuvent aujourd’hui faire l’impasse sur le respect des droits du peuple kabyle à prendre son quotidien en main, surtout qu’il n’a jamais été tenté par l’aventure de celui qui pose problème au Maroc. Il faut le faire maintenant qu’il en est encore temps. Demain il sera sûrement trop tard.

 2. L’isolement politique national de la Kabylie est une donnée incontestable. Sa manifestation la plus courante et la moins agressive est une indifférence générale des Algériens affichée face à la répression dont elle fait l’objet depuis l’indépendance du pays et particulièrement depuis le printemps noir durant lequel le pouvoir algérien a tiré sur nos enfants à balles explosives jusqu’à en a assassiner 123 d’entre eux. La douleur kabyle n’a jamais été nationale car chacun de nos compatriotes estime que nos revendications, quel qu’en soit le contenu, cachent des velléités de prise de pouvoir et de domination des Kabyles sur le reste du pays. C’est ce que le pouvoir et ses relais diffusent dans la société avec succès depuis toujours. A ceci s’ajoute l’accusation de francophilie qui était et demeure portée contre nous à cause de notre ferme refus de la politique d’arabisation. Enfin, la Kabylie a un rêve d’Occident pendant que le régime a pu, en quarante ans de mobilisation des appareils idéologiques d’état, cultiver dans le reste du pays un rêve d’Orient. Que tous ceux qui se sont empressés de nous faire porter la responsabilité de l’isolement kabyle au printemps noir 2001 revoient leurs copies. A supposer que la revendication d’autonomie formulée par nous ait pu avoir quelque incidence sur l’attitude des élites nationales pour empêcher l’extension de notre révolte aux autres régions du pays, ce qui n’a jamais été le cas, cela ne peut justifier un manque de solidarité à l’égard de la Kabylie. Rappelons pour mémoire que cette revendication n’a été avancée par nous qu’après plus d’un mois et demi de massacres de nos enfants dans une indifférence nationale scandaleuse. L’isolement de la Kabylie, loin d’être un effet de conjoncture, est une constante nationale depuis au moins l’indépendance de l’Algérie. La Kabylie n’a opté pour son autonomie qu’après avoir joué , en vain et des décennies durant, tous les jeux de "l’Algérie une et indivisible" y compris tous les jeux de la démocratie. Il suffit par exemple qu’un parti ait à sa création un leader d’origine kabyle pour qu’il soit plombé pour le restant de sa vie. Il est désespérément déserté et rejeté par le reste des Algériens. Les partis catalogués de "kabyles" n’ont d’élus à l’Assemblée nationale que ceux que leur donne la Kabylie et dont le nombre ne dépasse pas le dixième des députés. Dans ces conditions notre région n’a jamais eu comme elle n’aura jamais la moindre chance de se faire entendre et de régler les problèmes qui sont les siens par la voie légale.

 3. Le salut de notre région ne peut venir que d’elle-même. Il est inutile d’attendre davantage une solidarité des autres qui ne viendra jamais, du moins à temps. En effet, les conditions sociopolitiques nationales d’aujourd’hui ne sont pas favorables aux effusions de bons sentiments. Il est donc urgent pour nous de nous atteler nous-mêmes aussi bien à mettre notre jeunesse à l’abri de la violence étatique qu’à en finir avec cette défiance permanente qui sévit depuis quarante ans entre nous et l’état central algérien sur l’école et les langues, l’Histoire et l’identité, le développement économique et la culture, la sécurité et la justice, les droits humains et la démocratie. C’est là la seule solution qui nous reste si nous ne voulons pas être débordés un jour par un pourrissement de la situation qui, nécessairement, imposera une solution autrement plus extrême et plus dangereuse pour tous les Algériens. Nous nous demandons des fois si nous n’arrivons pas déjà trop tard avec le remède autonomie. Est-ce que le cours de l’Histoire n’est pas déjà tout tracé par toutes les injustices et toutes les humiliations subies par la Kabylie depuis 1963 ? La question, chers amis, n’est pas qu’une clause de style mais une probabilité d’un terrible coefficient.

AY ATMATEN, A TIYESSETMATIN !

La politique de discrimination menée contre le peuple kabyle par des tenants du pouvoir aussi irresponsables, qu’incompétents mais surtout racistes n’a fait qu’accentuer son irrédentisme identitaire et souligner les contours et la puissance de sa personnalité. Le fait par exemple que les martyrs de la Kabylie tués durant l’insurrection armée du FFS entre 1963 et 1965 n’ont jamais été reconnus et leurs familles jamais indemnisées, alors que la politique de "concorde civile" a permis la réinsertion à coups de milliards de criminels terroristes islamistes, a empêché tout apaisement du sentiment de frustration et d’humiliation de la région. Sommés par l’Etat algérien de s’arabiser ou de prendre le maquis, les Kabyles ont survécu en contournant ces deux extrêmes. Ils se sont attachés à des principes de sagesse et du respect des droits humains en empruntant des voies de revendications politiques biaisées. L’Histoire de l’Algérie indépendante se résume à ce perpétuel duel qui oppose l’arrogance du pouvoir en place à la résistance pacifique de notre région. Les Kabyles n’ont jamais été considérés comme des Algériens à part entière. C’est le système colonial légué par la France qui a continué de sévir contre eux. Non seulement il n’ont pas de droits en tant que Kabyles mais en plus ils sont toujours l’objet d’une morbide suspicion. Ils sont vécus comme l’ennemi interne du pays ou comme ceux qui menacent en permanence l’unité nationale. En fin de compte, ils se sont rendus compte que pour les dirigeants algériens, il n’y a de bons Kabyles que ceux qui deviennent arabes. C’est un état de grave malaise psychologique qui accable les Kabyles en ayant le sentiment d’avoir été floués par l’Histoire, payés enretour d’ingratitude. Eux qui s’étaient massivement investis dans le combat libérateur depuis 1926, qui avaient renoncé au leadership politique national dans un mouvement qu’ils avaient crée et animé à près de 80% de ses effectifs, eux qui s’étaient tant sacrifiés pour l’indépendance de l’Algérie même après l’épisode de la crise dite "berbériste" de 1949, eux qui avaient organisé le Congrès de la Soummam et porté jusqu’à épuisement la guerre d’indépendance en refusant une offre d’indépendance séparée qui leur était faite par la France en 1959 se retrouvent en fin de compte perçus comme les pires ennemis de leur pays.

Après la politique répressive de Boumedienne à l’encontre de l’amazighité des Kabyles, l’époque de Chadli était consacrée à son approfondissement à travers un sabotage économique systématique de leur région. En effet, par mesure de représailles contre la fronde du printemps berbère d’avril 1980, tout investissement économique dans la région est gelé à ce jour. Les seuls établissements construits depuis sont des casernes de la gendarmerie pour le contrôle militaire de l’espace kabyle. Le massacre de nos enfants par ces brigades de gendarmes était inscrite en filigrane de ce souci de contenir et de réduire militairement cette région qui reste politiquement insoumise. Maintenant que la politique de la terre brûlée est largement pratiquée par le pouvoir en place contre nous, maintenant que la Kabylie est soumise à une violence de guerre par le pouvoir en place, notre jeunesse n’a de choix qu’entre la précarité de l’exil en France où plus de 80.000 kabyles se retrouvent "sans papiers", la menace de prison politique ou de handicap physique comme ces milliers de blessés du printemps noir qui n’ont même pas de prise en charge médico-sociale de l’Etat qui les a mis dans cette situation ou encore la mort du fait de la violence armée de l’état contre elle. Le racket fiscal empêche tout décollage économique en venant par sa force et sa violence particulière écumer en permanence tout surplus économique dégagé par la région du fait du dynamisme de son économie privée ou de l’apport d’une émigration très attachée à ses racines.

Sur le plan culturel, les artisans de la culture kabyles sont soumis à une politique d’exclusion de la télévision et des subventions de l’Etat. Même les droits d’auteurs des œuvres en kabyle étaient rémunérés moins chers que ceux des oeuvres en arabe. Les chanteurs kabyles sont systématiquement affamés. Les cachets ridicules qu’on leur verse lorsqu’ils ont la chance d’être programmés par une institution de la région n’ont rien à voir avec ceux versés en centaines de milliers de dollars américains par le ministère de la culture à des chanteurs de raï ou à des vedettes ramenées du Moyen-Orient. Nos chanteurs, eux aussi, sont sommés de se soumettre au diktat du pouvoir pour survivre économiquement. C’est ainsi que l’Année de l ’Algérie en France est en soi un scandale. Elle a apporté une fracture au sein d’une corporation déjà durement éprouvée par sa précarité économique. La participation des artistes d’expression kabyle insignifiante dans ses programmes initiaux est soudain médiatisée de manière à diviser la région. Ceux qui participent sont présentés à travers les médias officiels comme des soutiens au régime contre l’autonomie de la Kabylie et du Mouvement citoyen kabyle. Le revers de la médaille pour eux est malheureusement d’être considérés par leur propre public comme peu dignes de l’adoration qu’il leur vouait jusque-là.



Chers amis !

Si la Kabylie avait son état régional, elle aurait protégé ses enfants contre la répression politique qui les tue, amorcé son décollage économique depuis longtemps, bâti sa télévision propre et soutenu ses producteurs culturels dignes de ce nom. Elle aurait montré aux autres Algériens l’exemple à suivre, la voie qui, à coup sûr, les émancipera de la tutelle mortelle d’un pouvoir attaché davantage à sa rente pétrolière qu’au rayonnement économique et culturel de l’Algérie. Ainsi cette autonomie que d’aucuns veulent présenter comme un égoïsme régional forcené est en fait un élan plein de générosité et d promesses de liberté pour tous.
Aytma, ayssetma !

Le MAK s’est constitué dans la foulée pour se consacrer à la réalisation de cet objectif qui consiste à doter notre région d’un statut de large autonomie à matérialiser par la mise sur pied d’un état et d’un parlement locaux par des moyens pacifiques. Le courage, la persévérance et la sérénité dont ont fait preuve ses animateurs ont fini par payer. Non seulement ils ont réussi l’exploit d’instaurer le débat sur une idée qui jusque-là était taboue mais en plus ils ont révélé que l’autonomie régionale était en fait une aspiration profonde du plus grand nombre en Kabylie et ce depuis longtemps. Par les rencontres répétées avec les citoyens à travers la plupart des localités de la région, par les interventions dans la presse qui lui ouvre ses colonnes et à qui il exprime toute sa reconnaissance, le MAK continue de devenir, chaque jour un peu plus, le cadre de rassemblement qui manquait tant au peuple kabyle pour conquérir son droit à prendre son destin en main. Cette tendance s’est davantage renforcée suite à la mise en circulation du Projet d’autonomie de la Kabylie rendu public le 16 avril 2003. Le PAK est en passe de devenir le nouveau document de référence, le nouveau leitmotiv de la Kabylie. Loin de concurrencer la plate-forme d’El-Kseur élaborée le 11 juin 2001 par des délégués de diverses tendances politiques kabyles, il lui offre le seul cadre à même de parvenir à la satisfaction pleine et entière des 15 points de revendication qu’elle contient mais qui n’ont de sens et de réalisme qu’accompagnés de l’autonomie régionale de la Kabylie. Sans cette dernière, la crise continuera de s’aggraver entre le régime et notre région y compris après l’application de la plate-forme d’El-Kseur, car elle fait l’impasse sur le destin du peuple kabyle. Or, c’est la place de celui-ci dans l’Algérie qui pose problème depuis l’indépendance nationale.

Le MAK rend hommage à toutes celles et tous ceux qui, à l’intérieur ou à l’extérieur des Ârchs, ont œuvré à la cohésion régionale et à l’unité des rangs kabyles pour dépasser les luttes morbides et fratricides induites par les dynamiques partisanes issues d’octobre 88 et qui, consciemment ou non, faisaient le jeu du pouvoir en place. On se souvient de l’assassinat de Matoub Lounes quand les partis de la région rivalisèrent de zèle pour ramener le calme afin d’apparaître chacun comme celui qui maîtrisait la situation n Kabylie pendant que la rue criait justice pour le Rebelle.

Aytma, ayssetma !

Face au danger de mort qui plane toujours sur la Kabylie, les Kabyles doivent plus que jamais se donner la main pour se faire respecter et arracher leurs droits en tant que peuple digne de ce nom. C’est le souci de préserver cette cohésion retrouvée sous la bannière de nos délégués de villages et de quartiers qui a, jusqu’ici, retenu le MAK d’appeler à des actions politiques d’envergure. Aujourd’hui qu’une perspective de dialogue se dessine avec en toile de fond les présidentielles de mars 2004, le MAK invite les Ârchs à la plus grande vigilance pour ne pas compromettre les intérêts politiques de notre région. Si le pouvoir voulait réellement un dialogue même intéressé il n’aurait pas attendu plus de deux ans pour en faire la proposition. Il n’aurait sûrement pas tenté de dialoguer avec lui-même lors de la mascarade des Ârchs « Taiwan ». S’il était animé un tant soit peu de bonnes intentions il n’aurait pas mis en prison, à deux reprises, des délégués comme de vulgaires voyous pour les reconnaître aujourd’hui comme de bons citoyens. L’appel au dialogue lancé par Bouteflika n’est pas sincère. Dites-nous quel dialogue décent peut-on avoir avec les assassins de nos enfants ? La Kabylie n’a rien à perdre à attendre le nouveau président qui sera issu du prochain scrutin pour prendre langue avec lui. Les engagements de campagne électorale n’ont aucune valeur juridique. Le dialogue ainsi projeté n’en sera pas un. Ce sera, au mieux, une manœuvre pour diviser, une fois de plus, les rangs de la région. L’Histoire sera comptable des actes de toute personne engageant le destin commun à contresens de nos aspirations les plus profondes. Le rejet des élections des échéances présidentielles de 2004 sera un acte de sagesse et de maturité de la Kabylie qui soulignera, ainsi, un peu plus son identité et son droit à son autonomie régionale.
Quant aux préalables brandis par nos frères délégués des Ârchs pour aller au dialogue, ils nous semblent en deçà des exigences de l’Histoire. Nous avons exigé, en l’an 2000, que Bouteflika présente ses excuses à notre région pour ses propos insultants à notre endroit. Aujourd’hui qu’il y a 123 kabyles assassinés par les forces de sécurité du pays, et que lui même en a reconnu la responsabilité comme étant celle de l’Etat algérien après que celle-ci fut établie par la commission d’enquête confiée au professeur Issad, le préalable, le seul qui vaille la peine d’être avancé pour entamer le dialogue avec le gouvernement est d’exiger que l’ALGERIE OFFICIELLE, par la bouche de son premier magistrat, DEMANDE PARDON A LA KABYLIE. Si les Ârchs n’ont pas la force de le faire, le MAK n’arrêtera pas de le revendiquer.

Ay atmaten a tiyessetmatin !

Nous n’avons pas le droit de laisser les parents de nos martyrs et tous nos blessés notamment nos handicapés du printemps noir se sentir trahis, du jour au lendemain, par des préalables qui les oublient, des préalables au dialogue qui ne se soucient que des intérêts des vivants et de ceux, parmi eux, qui ne chercheraient qu’à briguer des mandats électoraux au lendemain d’un accord de dupes qui sera ainsi conclu.

Devant la menace de division et d’implosion des Ârchs, que suscite l’entame de ce dialogue entre les délégués kabyles et les flibustiers du pouvoir, notre mouvement ne peut qu’en appeler au devoir de transparence, de vérité et au sens des responsabilités des nôtres pour aborder les débats internes et externes aux « conclaves » dans la sérénité et l’unité.
C’est dans le même état d’esprit que nous invitons tous les acteurs politiques kabyles à une démarche de respect mutuel des identités et des différences qui tranche avec celle éprouvée par le passé et qui divisait aveuglément nos rangs. L’entente et le dialogue, la concertation et le compromis entre nous, dès lors que l’essentiel n’est pas en jeu, seront les éléments de base de notre culture et de notre action. A ce titre le MAK n’a le droit d’être exclusif de quelque nuance politique que ce soit parmi nos démocrates. Tous les militants de gauche comme tous ceux de droite ont leur place au sein de notre Mouvement. Une fois l’autonomie acquise chacun pourra prendre à loisir sa liberté de créer une structure politique qui lui sera propre. Aujourd’hui il y a de la place pour tous pour un objectif commun à toute la Kabylie : son autonomie. Les élites de la région comme l’ensemble des composantes sociales du peuple kabyle à commencer par sa jeunesse héroïque sont invitées à joindre leurs efforts aux nôtre pour un résultat salutaire pour nous et nos générations montantes. Le combat pour l’autonomie ne réussira que lorsqu’il mobilisera tous les Kabyles indépendamment de leur appartenance à une catégorie sociale particulière. Nous n’avons d’avenir que collectif. Unis, notre réussite est assurée. Les acteurs économiques, durement affectés dans leurs intérêts matériels depuis avril 2001, sont assurés de notre compréhension et les invitons à demeurer sur place au service de la Kabylie qui les charge de la noble mission de son développement. Demain, notre chère région sera autonome. Elle saura récompenser chacune et chacun au delà de leurs sacrifices d’aujourd’hui. Elle aura à assurer autant la sécurité de sa diaspora que l’ensemble des droits de tous ses habitants quelle qu’en soit l’origine. L’autonomie est notre seule voie de salut. Elle préfigure un Etat fédéral à même de hisser notre pays et l’ensemble nord-africain à hauteur des nations qui dominent le monde et qui sont appelées à construire de nouvelles relations basées davantage sur la solidarité que sur la confrontation. Ce nouveau monde, nous en commençons la construction aujourd’hui, à partir d’Icherâiwen.

Le MAK s’incline devant la mémoire des martyrs de la Kabylie et rend hommage à toutes les femmes et tous les hommes qui ont fortifié l’identité et la culture kabyles à travers l’Histoire.

Fort de la justesse de sa revendication et de l’adhésion du peuple kabyle au PAK, le MAK ne permettra jamais l’effondrement de la région et continuera à œuvrer sans relâche à l’émergence d’un état régional kabyle dans une Algérie plus fraternelle.

Gloire à nos martyrs !

Vive la Kabylie libre et autonome !

Icherâiwen, le 18 août 2003

Ferhat MEHENNI,

Porte- parole du MAK.

Messages