INTERVIEW.
Tamazgha.fr : Un an et demi après le déclenchement du dernier soulèvement dans l’Azawad contre l’Etat malien, quel bilan faites-vous de l’action du MNLA [1] ?
Habaye ag Mohamed : "Poule… que de bruit pour un œuf !", dit un diction amazigh, bien de chez nous… Un grand gâchis !!!
Comment expliquer le recul du MNLA sur la question de l’indépendance de l’Azawad qui est pourtant l’axe central de sa plateforme politique qui demeure, jusqu’à preuve du contraire, le seul document qui définit les principes et objectifs du mouvement, document qui a été élaboré de manière collégiale et qui a été démocratiquement adopté ?
Une erreur politique majeure aux conséquences incommensurables mais aussi une félonie impardonnable et inoubliable. Ceux qui nous ont conduits dans cette impasse payeront à terme. Mais à franchement parler, ce n’est pas le MNLA qui a reculé, mais ceux parmi le MNLA dont la France a fait les interlocuteurs de service.
A terme, la France va regretter d’avoir formé des élites francophones, voire francophiles et les écarter chaque fois que des discussions franches et sans complexe sont nécessaires sur les questions cruciales qui concernent les Etats africains même si des enjeux français sont impliqués.
La France a exercé d’énormes pressions sur le MNLA afin qu’il renonce à l’idée de l’indépendance. Pourquoi ?
Il appartenait au MNLA de résister. Dès le 1er avril 2013, l’indépendance de l’Etat de l’Azawad a franchi le stade de l’idée, lorsque les Azawadiens ont bouté hors de leur territoire l’occupant après plus de cinquante ans de colonialisme sauvage… La déclaration d’indépendance, le 6 avril 2013, est irréversible, la matérialisation de cet acte est inéluctable.
Le fait que le régime de Hollande ait ré-hypothéqué cette indépendance ne change absolument rien à la détermination du peuple amazigh de l’Azawad à concrétiser son projet de liberté obsessionnel !!! En ce qui concerne les motivations de la France, le trio Hollande, Fabius et Le Drian sont les mieux placés pour y répondre.
La France a choisi de nous priver de notre territoire que nous avons toujours défendu pour l’offrir à d’autres en récompense de leur obéissance servile.
Notre Peuple résistera à toutes les formes d’intégrisme y compris l’intégrisme jacobin !!!
Notre Peuple se bat pour une cause légitime, il a tout le temps devant lui, Hollande, quant à lui, il n’a que deux mandats, peut être un seul !!!
Quel commentaire faites-vous des accords de Ouagadougou ?
Une pantalonnade légendaire dans l’histoire touarègue et amazighe. Elle restera imprimée sur la face de ceux qui en sont responsables.
L’élection présidentielle malienne représente-t-elle un espoir dans le règlement de la question de l’Azawad ?
AUCUN…
Comment interpréteriez-vous la nomination de Sanogo [2] au grade de Général du corps d’armée ? Et pourquoi l’avoir fait avant l’investiture d’IBK [3]
Cette promotion renvoie au cinglant échec des efforts de l’Union européenne à reconstruire l’armée malienne. Elle nous rappelle que nous sommes effectivement en plein Gondwana. C’est une insulte à la culture de l’impunité dans un nouvel Etat ‘’territoire d’outre sahel’’ qui pense pouvoir renaitre sur fond de promotion de l’impunité.
Elle est ridicule parce que le grade de général est une ineptie dans une armée qui compte à peine 20.000 hommes (l’armée malienne en dénombre déjà une cinquantaine). Aux regards de tels effectifs, des équipements et du faible niveau de diversification des armes de cette armée, un Général de corps d’armée, cela est plus que grotesque.
Sanogo est un brave garçon, qu’une perfide stratégie entend glisser comme une peau de banane sous les pieds du bélier malinké (IBK).
Alger a été, disons-le, écartée des négociations entre le MNLA et le Mali qui ont abouti aux accords de Ouagadougou. Qu’est-ce qui justifie cela ? Et pensez-vous qu’Alger va rester sans réaction ?
Objectivement, si c’est le cas, c’est une erreur. Aucun Etat du champ n’aurait du être écarté d’un processus tendant véritablement à trouver une solution pérenne à la question de l’indépendance de l’Azawad. Alger a ses propres problèmes désormais qui passent avant ceux de l’Azawad !!!
La ville d’In-Ideq [4], située à une dizaine de kilomètres de la frontière entre l’Etat algérien et l’Azawad, a vu des affrontements sans précédent entre Touaregs et Berabichs. Comment analysez-vous ces affrontements qui ont vu en réalité les Touaregs attaqués dans leurs quartiers par les Arabes, en plein crise de l’Azawad et à l’approche d’un nouveau round de négociations entre mouvements de l’Azawad et l’Etat malien ?
Ce n’est pas seulement à In Edeq (qui est touareg) que les Touaregs sont mis à mal… c’est seulement l’un des points chauds où nos compatriotes sont dramatiquement martyrisés chez eux y compris par ceux qui ont la responsabilité de les sécuriser. Depuis que notre territoire a été morcelé entre plusieurs Etats créés par la colonisation, notre Peuple vit de drame en drame.
La situation dans les camps de réfugiés n’est pas plus agréable. Les populations vivent dans l’humiliation des agences en charge de la protection des réfugiés, la terreur et la ratonnade des services de sécurité et des administrations locales… cela est aussi insupportable que les massacres de l’armée malienne et de ses milices !!!
Quelle analyse portez-vous sur l’avenir proche de l’Azawad ?
L’échéance de l’aboutissement de la lutte de notre Peuple n’est plus loin… malgré les traitres dans nos propres rangs, les forces ultra puissantes et la multiplicité des adversités qui entourent notre pays !!!
Propos recueillis par
Masin Ferkal.
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