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Enseignement du berbère en France
Hacène Hirèche estime que la création d’un Capes de berbère reste la seule véritable solution...
dimanche 13 mars 2005, par
Hacène Hirèche, enseignant de langue et civilisation berbères à Paris 8 a bien voulu répondre à nos questions quant à la nomination de Hocine Sadi au poste de coordinateur des enseignements et épreuves de berbère auprès de la DESCO.
Nous publions ses réponses à nos questions.
Tamazgha.fr : Le Ministère de L’Education Nationale a nommé en octobre 2004 Hocine SADI au poste de "coordinateur des enseignements et épreuves de berbère auprès de la DESCO" sachant que l’INALCO, sous la responsabilité du professeur Salem CHAKER, est en charge du dossier "berbère au Bac" depuis 1995.
Qu’en pensez-vous de cette nomination ?
Hacène HIRECHE : Comme vous le savez, une vive polémique a éclaté au grand jour sur cette nomination. Vous comprendrez aisément que je ne souhaite point ajouter de l’huile sur le feu. Dans ce genre de situation, il est utile de garder la tête froide et d’éviter d’enfoncer qui que ce soit ou de profiter de l’occasion pour tisser un réseau d’alliance conjoncturel. Je considère Salem CHAKER comme un ami et je reconnais en lui un brillant universitaire à la hauteur des missions qui lui ont été confiées ou qu’il s’est assigné lui-même en tant que défenseur de la culture berbère et des valeurs qui sous-tendent ce combat. Lui-même ne cherche pas de poste, il est déjà au plus haut niveau de l’échelle dans le système éducatif. Au lieu d’ignorer tout le travail qu’il a accompli, je pense qu’il aurait dû être associé à cette nomination pour permettre à Hocine SADI de collaborer avec l’INALCO qui a une légitimité incontestable sur ce dossier. Dans ce cas de figure les pouvoirs publics auraient nommé un ou plusieurs collaborateurs de l’équipe du professeur CHAKER pour travailler avec le nouveau coordinateur. Une hirondelle ne fait pas le printemps, il y a besoin immédiat d’associer plusieurs personnes à cette mission. Les uns et les autres auraient bénéficié d’une synergie utile pour l’innovation pédagogique. Les candidats à l’épreuve du Bac en seraient sortis renforcés dans leur conviction que leur langue parentale est un tremplin pour le succès, un paramètre sérieux dans la construction de leur cursus et de l’avenir.
Comment expliqueriez-vous cette attitude du MEN et de l’Etat français de manière générale ?
Vous savez, le discours en France sur l’école est archi-connu : l’école publique en France est laïque, elle est la même pour tous. Cette idée, lors même qu’elle recouvre des contenus différents selon les familles politiques qui la proclament, est défendue par un grand nombre de français. Elle fait la fierté de quelques-uns et sert souvent d’arguments idéologiques dans certains débats particulièrement sur l’Islam ou l’immigration.
Pourtant, à bien y regarder de près, l’égalité pour tous dont l’école est affublée ne correspond pas toujours à toutes les réalités sur le terrain. L’échec scolaire demeure important chez les enfants dont les parents viennent de l’étranger notamment des ex-colonies françaises. Et lorsque la réussite s’avère quand même possible, l’échec se déplace vers l’accès à l’emploi. Ce handicap alimente la désillusion par rapport à l’idée d’ascension sociale par l’école. La boucle est bouclée !
Cet échec vient, entre autres, d’une certaine marginalisation des enfants de migrants dont le savoir parental est disqualifié par l’école qui valorise les savoirs académiques ou les savoirs propres à l’histoire et à la culture françaises et dans une certaine mesure ceux liés aux cultures des Etats.
Qu’en est-il des enfants dont les cultures sont minorées aussi bien dans leur pays d’origine que dans leur pays d’adoption ? C’est le cas des enfants de parents berbères dont la langue est jusque là exclue de l’école de la République. Ces enfants dont l’héritage linguistique et culturel est repoussé vers la cellule familiale qui n’a pas toujours les moyens de le valoriser, se sentent souvent rejetés et adoptent alors des comportements inappropriés. Coupé de sa langue parentale donc de la transmission généalogique de sa culture, l’enfant berbère est invité à faire sien l’ersatz de culture officielle (des pays d’origine) que l’éducation nationale lui propose du fait des conventions bilatérales entre la France et les pays d’Afrique du Nord.
Il n’est pas étonnant alors que certains de ces enfants se tournent, à un moment ou un autre, vers l’Islam médiatique avec les formes extrémistes que cela peut revêtir. Les parents ont beau être laïcs ou tout simplement pieux, les enfants restent fragilisés, menacés, doutent d’eux-mêmes et se tournent vers un Islam zélé qui peut, à leurs yeux, leur assurer une appartenance solide, en tout cas reconnue.
En montant les uns contre les autres, les pouvoirs publics français ne voulaient qu’une chose : retirer d’une main ce que l’on a donné de l’autre. C’est pourquoi, pour « apaiser » ce climat de surchauffe, les pouvoirs publics n’ont rien trouvé de génial que de supprimer la mission ! C’est bien connu, il faut casser le thermomètre pour ne pas voir la fièvre monter ! Ce n’est pas sérieux, c’est même discriminatoire.
Comment voyez-vous l’enseignement du berbère en France et que suggériez-vous au MEN en vue d’une réelle et sincère prise en charge de l’enseignement de la langue berbère en France ?
Au lieu de jeter de l’huile sur le feu en supprimant la mission de coordination, on serait bien inspiré de chercher à trouver un terrain de négociation. La suppression, si elle se confirme, serait une humiliation de plus pour ces acteurs de premier rang, un déni identitaire pour la communauté berbère et une opération anti-pédagogique désastreuse pour les élèves qui attendaient un soutien pour les épreuves d’un bac qui se prépare dans une agitation générale. Si les pouvoirs publics considèrent cette question du point de vue de l’égalité des chances des élèves devant la réussite scolaire et du point de vue de la lutte contre les discriminations, alors il leur est possible de servir de médiateur. Ils l’ont fait pour des Islamistes du Conseil des Musulmans de France dont les horizons politiques étaient autrement plus éloignés les uns des autres et dont les objectifs n’étaient pas toujours avoués.
Salem CHAKER a fait, à de nombreuses occasions, des propositions pédagogiques concrètes notamment autour de l’idée du CAPES. C’est cette démarche qu’il faut honorer au plus vite si l’on veut être constructif et non calculateur ! L’enjeu est de réduire le fossé entre l’école et la famille, les deux institutions qui s’occupent de l’élève. Trouver des voies pour une complémentarité créative entre les deux espaces (l’enseignement de la langue parentale en est une), c’est sortir des clichés qui voudraient que le monde des parents et celui de l’école républicaine seraient forcément opposés. C’est à ce prix que l’élève peut construire une estime de soi sans laquelle la relation à l’école, à l’apprentissage et à la République serait problématique.
Questionnaire élaboré par Masin FERKAL et Saïd CHEMAKH
(*) Hacène HIRECHE est Chargé de cours de langue et de civilisation berbères (Université de Paris 8) ; il est également Coordinateur pédagogique d’actions linguistiques (Cara-Développement).
Messages
1. > Hacène Hirèche estime que la création d’un Capes de berbère reste la seule véritable solution..., 14 mars 2005, 14:10, par Amirouche
Hacène, comme à ses habitudes, est un modéré, un médiateur, un amusnaw des temps modernes. Un Marabout au sens noble du terme... pour ceux qui savent. J’ai beaucoup apprécié le ton pédagogique, et non idéologique, utilisé pour trouver d’autres chemins de réflexions constructives. Merci. Toutefois la question que je voudrais poser à tous est la suivante : Ne serait-il pas judicieux de se mettre avec d’autres populations autochtones ou d’origine étrangère afin de demander à la République une réponse fiable en corrélation, tout simplement, avec les textes fondateurs de l’Union Européenne ? Par ailleurs, ne serait pas urgent de voir ce qui se fait chez d’autres voisins comme les Juifs ? Ar tufat.
2. > Hacène Hirèche estime que la création d’un Capes de berbère reste la seule véritable solution..., 14 mars 2005, 19:51, par Farid
Azul.
Hireche a bien dit les choses et je pense qu’il a remis les pendules à l’heure. C’est vraiment ce qu’il faut. Au lieu de s’entretuer entre nous, il faut cohabiter. De toute façon on a pas le choix. Soit les diferentes parties travaillent ensemble pour faire face à toutes les attaques de l’adversaire, soit on s’auto-ataque. Salem ou Sadi, je m’en fous, l’essentiel que l’enseignement du berbére soit accodré. Personne sur terre ne peut remetre en cause les capacités de Chaker, ni celles de Hend dans ce domaine. Alors je dis au berbere : Arrêter de semer la zizanie, ça n’emene à rien.
Je pense qu’il faut suivre l’exemple de Hireche, c’est à dire d’être neutre. je en comprend pas pourquoi un site internet défend Chaker et un autre site défend Hend, c’est ce que j’appele "moi et personne d’autres".
Bonne chance !