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L’affaire Yezza, loin d’être terminée !
Entretien avec Maître Kouceila Zerguine
vendredi 7 septembre 2018, par
Le 7 août 2018, le tribunal algérien de Tagherdayt avait prononcé la condamnation de Salim Yezza, un militant amazigh des Aurès, à un an de prison avec sursis et une amende ferme. Certes, il est sorti de prison le jour même du verdict, mais le jugement rendu le rend coupable des faits qui lui ont été reprochés par le procureur algérien.
La réalité est que Salim Yezza est victime d’une injustice et a été arbitrairement arrêté puis condamné. Au lieu de condamner les responsables de l’arbitraire, l’institution judiciaire algérienne qui, en réalité, n’est qu’un instrument obéissant à l’institution policière et militaire, s’entête à faire du militant un coupable.
Maître Zerguine, avocat de S. Yezza, quant à lui, a décidé aussitôt après le verdict d’interjeter un recours car il estime que "les éléments constitutifs du délit qualifié comme incitation à la haine et incitation à l’attroupement" dont Salim Yezza est accusé sont loin d’être réunis.
Pour en savoir plus, nous avons sollicité Maître Kouceila Zerguine qui a bien voulu nous accorder l’entretien ci-après.
Dans cet entretien, Maître Zerguine revient également sur un dossier sensible qui est celui du métier de la "taille de pierres" qui a fait et continue à faire des victimes à T’kout. Des victimes livrées à elles-mêmes et complètement abandonnées par les autorités.
La Rédaction.
Tamazgha.fr : Le tribunal de Tagherdayt a condaamné, le 7 août 2018, Salim Yezza à un an de prison avec sursis et une amende de 100.000 DA ferme.
En tant qu’avocat de Salim Yezza, quel est votre commentaire concernant cette décision ?
Me. Kouceila Zerguine : Je tiens tout d’abord à rappeler qu’au regard du Code pénal algérien, il est interdit, "sous la peine d’une poursuite judiciaire", de commenter une quelconque décision judiciaire rendue par une juridiction nationale.
Par ailleurs, il y a lieu de préciser qu’il s’agit d’un jugement rendu en première instance. Autrement dit, il est susceptible d’être révisé par la Cour d’appel, voire même par la Cour Suprême, puisqu’au regard de l’article 499 du Code de Procédures Pénales algérien les décisions en matière pénale ne sont définitives qu’après l’épuisement des voies de recours ordinaires et extraordinaires, ce qui n’est pas encore le cas.
Dans quel état physique et moral était Salim Yezza après sa sortie de prison qui est intervenue le jour-même où la décision a été rendue ?
– M. Salim Yezza est un militant convaincu, je le dis et je le répète. Ce ne sont pas les poursuites judiciaires successives depuis 2004 qui vont remettre en cause ses convictions, encore moins son engagement pour le combat identitaire.
Néanmoins, son état physique s’est dégradé depuis son incarcération, et pour cause, il souffre d’un problème pulmonaire chronique conséquence à son exercice, par le passé, du métier de tailleur de pierres comme bon nombre de jeunes T’koutis dans les Aurès.
Qu’en est-il du mandat d’arrêt dont il a fait l’objet ? A-t-il toute la liberté de se déplacer et pourra-t-il notamment rejoindre son domicile habituel en France ?
– Au sujet du mandat d’arrêt, celui-là a été purgé lors de sa présentation devant le procureur de la république. Quant à la sentence rendue par le tribunal de Ghardaia, celle-ci ne prévoit aucune peine complémentaire, telle que l’interdiction de quitter le territoire national ; par conséquent, M. Salim Yezza pourra rentrer en France où il réside depuis près de dix ans le plus normalement du monde, ceci en attendant la programmation de son procès en appel devant la Cour correctionnelle de Ghardaïa.
Aussitôt après l’annonce de la décision par le Tribunal de Tagherdayt, vous avez annoncé votre intention d’interjeter un appel "dans les délais prévus par le Code de procédures pénales". Pourriez-vous nous dire un peu plus notamment sur les raisons de cet appel ?
– Nous avons décidé d’interjeter un appel sur la décision rendue le 7 août 2018, ceci au regard des éléments contenus dans le dossier.
Je rappelle que les éléments constitutifs du délit qualifié comme incitation à la haine et incitation à l’attroupement ne sont pas réunis dans le dossier de M. Salim Yezza ; autrement dit, il est légitime de croire à une possibilité d’une révision de la décision de première instance.
Un appel a été interjeté dans les délais prévus par le Code de procédures pénales, ceci en date du 15 août 2018.
Par la même occasion, vous avez annoncé également que vous allez saisir deux rapporteurs spéciaux des Nations Unies, en les personnes de M. Michel Forest, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droit de l’Homme, ainsi que M. David Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la libéré d’opinion et d’expression.
Qu’est-ce qui motive cette démarche de votre part qui vise à internationaliser l’affaire ? Et qu’attendez-vous de cette démarche ?
– Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’Etat algérien a signé, voire même ratifié, la quasi-totalité des traités et conventions internationaux relatifs à la protection et à la promotion des droits de l’Homme ; par conséquent, l’Etat signataire devra naturellement respecter ses engagements. De même, il devra répondre de ses responsabilités si un ou plusieurs droits ont été violés vis-à-vis aussi bien des nationaux qu’auprès des instances internationales, telles que les Nations unies qui disposent de divers mécanismes de droits de l’Homme dont les pactes et conventions ont été signés et ratifiés par l’Etat algérien.
Notre objectif à travers cette démarche est de rendre effectifs les droits énoncés par le droit international, que le gouvernement algérien s’est engagé à respecter et à faire respecter.
S’il s’avère, après l’épuisement des voies de recours nationaux ordinaires et extraordinaires, que les droits de M. Salim Yezza n’ont pas été respectés, nous nous verrons contraints de plaider son cas auprès même du Comité des droits de l’Homme des Nations unies.
Il semblerait, selon votre déclaration, que l’état de santé de Salim Yezza s’est dégradé depuis son incarcération à la prison de Tagherdayt du fait de son exercice, par le passé, du métier de la taille de pierre dans les Aurès. Qu’en est-il exactement ?
– M. Salim Yezza est soumis en France, depuis près d’une décennie, à un suivi médical spécial, ceci pour éviter une mort précoce. Son incarcération n’a fait qu’aggraver sa situation sanitaire jugée fragile.
Les professionnels de ce métier succombent malheureusement à la maladie de la silicose, après une courte période de travail.
De ce fait, il est impératif que M. Salim Yezza regagne la France dans les meilleurs délais possibles pour reprendre son suivi médical.
Salim Yezza ne doit certainement être qu’une victime parmi tant d’autres de cette taille de pierre dans les Aurès. Aussi, vous avez eu, par le passé, à vous occuper de ce dossier de "Tailleurs de pierre". Pourriez-vous nous éclairer sur cette affaire ?
– Le travail de la pierre taillée est une spécialité de T’Kout dans le massif des Aurès, dans une région montagneuse et aride où 30 % de la population est au chômage. Extraite uniquement dans la région de Kabylie, la pierre est acheminée vers les chantiers près des grandes villes du pays vers lesquels convergent les ouvriers de T’kout qui se déplacent sur des centaines de kilomètres pour gagner leur vie.
Sans masque ni protection, ils sont confrontés depuis quelques années à l’émergence d’une maladie professionnelle incurable : la silicose. Au mieux, les ouvriers se protègent de la poussière avec les "moyens du bord" : du coton dans le nez et des masques antigrippaux trop fins et inadaptés.
La maladie peut se développer en seulement quelques mois, et des centaines de jeunes artisans sont contraints de revenir dans leur ville natale, T’kout, pour se faire soigner ou mourir dans l’indifférence la plus totale des pouvoirs publics. Depuis 2001, 182 ont succombé, 380 sont au stade avancé de la maladie et 19 autres sont sous assistance respiratoire continue.
Malgré le danger, les jeunes générations continuent à exercer cette profession, faute d’alternative.
Lorsque la mort survient, la famille se retrouve privée de ressources et ne touchera aucune indemnité ; les tailleurs de pierre n’étant pas affiliés à la sécurité sociale. Aujourd’hui, 65 veuves et 132 orphelins en subissent les conséquences. Le problème perdure, nonobstant les maintes démarches entreprises au niveau national et international, le sort des tailleurs de pierre de T’kout semble n’intéresser personne.
Propos recueillis par :
Masin Ferkal.
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Messages
1. L’affaire Yezza, loin d’être terminée !, 7 septembre 2018, 13:03, par Zohra Ath Vouyahia
Azul a yi Mazighens anda thalem !
"Afus ded fus, thaaqumt a tifsus"
Thamazgha icherqed yi tij felas