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Des mouflons et des Hommes

dimanche 26 décembre 2004, par webmestre

Vous connaissez le mouflon ? C’est un mouton sauvage, beau et fier, qui gambade sur les cimes quand il n’a pas été décimé. Si vous ne connaissez pas les barbares non plus, dites-vous que ce sont des semi braconniers qui massacrent des mouflons. Puis quand ils ont fini avec les mouflons, ils passent aux lièvres puis aux perdreaux avant de passer aux Berbères. Les barbares et les mouflons se font face et les Aït Slimane de Beni Mellal sont au milieu.


Au Maroc on a décidé de protéger les mouflons depuis des années, et avec un peu de chance l’espèce ne disparaîtra pas. Mais il en va autrement des Berbères qui habitent à côté des futures réserves de mouflons.

Les montagnards, ce sont de grands enfants ; c’est connu. Ce sont des irresponsables et de fameux comédiens mais ils sont complètement arriérés. La simple preuve c’est qu’on a besoin de savoir à leur place ce qui est bon pour eux. Ceux de Tassemmitt, à 11km au dessus de la ville de Beni Mellal, c’est les pires Berbères qui soient, croyez moi, j’en sais quelque chose : je les fréquente depuis 4 ans. C’est sur ce territoire qu’ils ont eu l’imprudence d’habiter il y a 900 ans, à côté d’une réserve de mouflons qui serait aménagée 900 ans plus tard. Une provocation. D’ailleurs, ladite réserve ne ressemble, pour l’instant, à une réserve que par un grillage, mais elle a coupé ces foutus montagnards de leur famille, de leur eau, de leur champs, de leurs voisins et de leur future école qu’ils construisent pierre par pierre. "Grâce" au grillage leurs chèvres n’auront plus accès à l’eau ni au pâturage, mais elles pourront boire du coca.

Enlever les bêtes au montagnards, c’est les tuer. Les autorités et les élus ont une sainte horreur des caprices des montagnards. Voila comment on se retrouve devant un projet de déportations massives de ces bougres vers madinat el qezdir. Le mouflon boira, il aura un docteur, les arbres aussi auront le leur, pendant que les Aït Slimane ne boiront plus que le jour du Souk jusqu’à ce qu’ils sèchent puis descendent comme des Cherokee [1] vaincus.

Ils pourront toujours sniffer de la colle pour oublier leur terre convoitée depuis toujours et graduellement usurpée conformément à un plan machiavélique établi par on ne sait qui, on ne sait où. Comme ça, à froid. C’est que personne ne s’en cache. Les autorités locales disent : "ils n’ont plus rien à faire là haut, ils ont détruit la forêt. Alors les 5000 habitants du massif doivent disparaître". "Pour aller où ?" "C’est pas mes oignons."

Je crois que le nouveau concept de l’autorité est un peu complexe pour les Primitifs. Ils croient que c’est une protection. Ils croient en l’Etat de droit et toutes ces fariboles, alors ils sont convaincus que la réserve ne peut pas exister car ce serait trop insensé. "Ils peuvent, tout de même, nous mettre dans des camions et nettoyer la montagne ?"

Les déshérités continuent de dire qu’ils ne veulent pas céder leur place aux mouflons car leurs enfants passent avant les ruminants. Les mokhaznis et autres gardes forestiers leur disent que s’ils n’émigrent pas aux bidonvilles de leur plein gré, on les "émigrerait" bessif. En 2002, on leur a construit une piste, à ces ingrats, et maintenant ils disent que cette piste ne leur a apporté que des malheurs. Pas d’eau, pas d’électricité, pas d’école, pas de dispensaire et pas de boutique. Les mouflons, par contre, ont bénéficié de la construction de deux bureaux des Eaux et Forêts, et ils boiront l’eau des habitants qui veulent que leurs enfants s’inscrivent à l’école en septembre.

Quel insolence, Il ne manquerait plus que ça, qu’ils deviennent marocains eux aussi ! Pour promouvoir la région, pour attirer les touristes, il faut dissoudre la population. Mais alors on veut promouvoir la région au bénéfice de qui ? C’est la première fois que j’entends qu’on va créer une réserve dans la cuisine des gens. Et, d’abord, cette réserve mesure combien ? On dit 74 hectares mais on dit aussi 400 hectares. Merci les autorités, merci les élus. Merci du respect que vous avez pour les femmes et les hommes de ce pays.


Amale Samie,
Journaliste,