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Anti-berbérisme

Imteghren : Les Berbères face aux barbares

lundi 16 février 2004, par Yafelman

Le 23 décembre 2003, un drame allait se produire dans l’enceinte de l’Université Mouloud Mammeri à Imteghren. Une véritable expédition punitive fut organisée par des individus clamant leur arabisme et surtout leur anti-berbérisme. A l’époque déjà, l’on mettait en cause les services de renseignements marocains. Aujourd’hui, plus d’un mois et demi après, l’indifférence des "institutions" de la monarchie de M6 devant ces actes barbares confirme le complot marocain contre les étudiants berbéristes de l’Université Mouloud Mammeri.
L’article que nous publions ci-après revient sur l’opération du 23 décembre 2003.

Selon des témoignages recueillis à l’Université Mouloud Mammeri (1) à Imteghren(2), l’attaque barbare menée le 23 décembre dernier par des étudiants nostalgiques de l’idéologie arabo-baâthiste maudite et macabre contre des militants du Mouvement amazigh estudiantin "visait l’assassinat de deux étudiants militants de la mouvance amazighe".

Les assaillants, rappelle-t-on, avaient utilisé des sabres, des machettes, des barres de fer, des serpes et des gourdins pour accomplir leur sale besogne. Plusieurs étudiants amazighs qui préparaient leurs examens lors de l’attaque à la buvette de la Cité universitaire, ont été blessés dont une dizaine de cas graves.

Quelques organisations amazighes, conscientes de la gravité de la situation, avaient dénoncé cette attaque barbare. Parmi ces organisations, la Coordination nationale du Mouvement amazigh estudiantin, l’association Tilelli (Tizi n Imnayen), Tamazgha (Paris), N’Imazighen (Bruxelles), la Fondation Matoub Lounès (Kabylie), le Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie (MAK) et Azemz (Boumalen n Dades). La quasi-totalité du tissu associatif amazighe, les associations dites de "droits humains", les partis politiques et la presse marocaine ont, pour leur part, observé le silence. Il faut dire que le mutisme des associations amazighes, notamment celles de Tamazgha Occidentale, est inexplicable. Comment expliquer, par exemple, le silence d’une ONG comme Tamaynut. Et dire que cette organisation jouit du statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies ?

Un mois et demi après ces évènements, aucune enquête n’a été ouverte pour "faire la lumière" sur les causes de ces faits anachroniques et pour traduire les criminels devant les tribunaux. "Bizarre, mais complètement marocain", pensent quelques-uns. D’autres, plus avertis, estiment que tout a été prémédité dans les coulisses des services de la DST (services secrets).

Ce qui est grave, lit-on dans le communiqué de Tilelli, rendu public une semaine après les événements, "c’est que les autorités locales et provinciales, qui se sont déplacées sur place juste après l’événement et qui ont donc tout vu de leurs propres yeux, n’ont pas daigné interpeller les agresseurs, ni ouvrir une enquête".

"Cette attitude des autorités, absurde en apparence, trahit en fait les intentions malveillantes du Makhzen : il essaie d’instrumentaliser les "résidus" de l’arabo-baâthisme à l’université pour induire les militants amazighs à la violence et ternir, ainsi, l’image du Mouvement culturel amazigh, connu par son pacifisme", souligne le communiqué.

Pourquoi ce silence absurde des autorités locales ? Pourquoi les forces de désordre se sont prises aux victimes au su et au vu de tout le monde et non pas aux agresseurs ? Pourquoi les étudiants arabistes qui circulaient dans l’enceinte universitaire avec un sac plein d’armes blanches (les mêmes ont servi à l’agression des militants amazighs) n’ont pas été interpellés ?

Selon certains témoignages, y compris parmi quelques individus ayant pris part à l’attaque, l’opération "visait en réalité l’assassinat de deux militants de la mouvance amazighe". C’est ce qui expliquerait, selon eux, les coups de sabres et des serpes portés aux têtes des étudiants en question. Le but était donc de tuer, de liquider physiquement des militants attachés à leur amazighité et qui gênent.

A qui profiterait une éventuelle liquidation de jeunes militants amazighs ? Qui aurait pu ordonner ce crime macabre ? Qui aurait pu financer cette opération ? Pourquoi des éléments de la DST ont protégé les assaillants qui étaient traqués après l’attaque par des centaines d’étudiants ? Comment expliquer la présence suspecte des CMI (Corps Mobile d’Intervention) ainsi que d’une ambulance à l’entrée de l’Université peu de temps avant l’attaque ? Ces questions et d’autres encore disent long sur le but de cette opération.

Selon plusieurs étudiants et militants, cet acte criminel visait à susciter une contre attaque violente de la part des militants amazighs. Celle-ci servirait d’alibi au pouvoir pour accentuer sa répression sur les étudiants amazighs actifs au sein de l’Université et dans leurs villages respectifs en particulier, et sur la population de la région (Tafilalt) en général.

Des étudiants rencontrés à la Cité Universitaire d’Imteghren ne cachent pas leur peur et leur indignation. Les militants amazighs, quant à eux, estiment que les événements du 23 décembre ne feront que renforcer leur détermination dans le combat qu’ils mènent pour que tamazight recouvre ses droits fondamentaux.

Ils préparent d’ores et déjà plusieurs manifestations en hommage aux étudiants agressés ainsi que le Printemps Amazigh. "Et le combat continue" ("isal imenghi yezdi") est l’expression qui revient au sein de la militance amazighe de l’Université Mouloud Mammeri d’Imteghren.

Adrar n ifettawjen
(Cité universitaire d’Imteghren)


1- la Faculté sciences et techniques (FST) a été rebaptisée "Université Mouloud Mammeri" par les étudiants amazighes.
2- Imteghren est le véritable toponyme de la ville, connu localement par Ighrem n Ssuq. La ville a été rebaptisée Errachida par le pouvoir marocain après l’échec du coup d’Etat de Général Oufkir, originaire de la région.

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