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Berbère au baccalauréat en France.
Les copies des 2136 candidats seront-elles corrigées ?
lundi 2 mai 2005, par
Le 23 mars dernier, 2136 candidats ont planché sur l’épreuve facultative de langue berbère aux baccalauréats technologique et général de la session 2005. 821 candidats ont composé en chleuh (tachelhit), 734 en kabyle (taqbaylit) et 581 en rifain (tarifit). Ainsi les candidats à l’épreuve de chleuh creusent l’écart avec les candidats à l’épreuve de kabyle. Entre 1995 et 2000, les candidats à cette épreuve qui choisissent le sujet kabyle représentaient les deux tiers de l’ensemble des candidats. Aujourd’hui ils représentent seulement un tiers de l’ensemble des candidats. A noter également la progression considérable des candidats qui choisissent le sujet rifain.
Cette année nous nous sommes d’abord inquiétés quant à l’élaboration des sujets vu que l’Inalco n’avait pas reconduit, pour le berbère, la Convention la liant à la DESCO pour l’élaboration des sujets des épreuves facultatives des langues dites rares aux baccalauréats général et technologique ainsi que la correction des copies (voir articles déjà publiés sur Tamazgha.fr quant aux raisons de cette décision de l’Inalco). Finalement, la DESCO a sorti du coffre des sujets que l’Inalco avait fabriqué comme sujets de remplacements lors des sessions précédentes.
Si la DESCO a pu concocter une solution pour les sujets qui sont après tout des sujets fabriqués par l’Inalco, l’on voit mal comment le Ministère de l’éducation nationale pourra se passer de l’Inalco pour la correction des copies. Il faudra déjà trouver suffisamment de correcteurs pour corriger les 2136 copies. Mais le problème majeur sera de trouver les compétences pour effectuer cette tâche : l’on sait que le peu de compétences qui existent sont pour la majorité des enseignants-chercheurs ou des étudiants de l’Inalco. Si l’on peut raisonnablement imaginer que la DESCO puisse trouver des correcteurs pour l’épreuve de kabyle, elle aura nécessairement beaucoup de mal à recruter des correcteurs pour tachelhit et tarifit.
Ayant pris contact avec l’Inalco, notre Rédaction a appris que la Section de berbère ne corrigera pas les copies du Bac tant que l’ensemble du dossier des épreuves du Bac et de leur préparation ne sera pas officiellement clarifié. Par ailleurs, selon les informations que le Centre de recherche berbère nous a communiquées, le SIEC (Service inter académique des examens et concours des académies de Créteil Paris et Versailles) a sollicité l’Inalco à plusieurs reprises pour les épreuves orales du Bac professionnel. L’Inalco a opposé une fin de non recevoir à cette demande et confirmé qu’il n’interviendrait pour aucune épreuve de berbère organisée dans le cadre du secondaire tant que le MEN ne lui aura pas officiellement confié le dossier de l’enseignement du berbère dans sa totalité.
Inquiets quant à cette situation qui risque de pénaliser les 2136 candidats à l’épreuve de berbère au baccalauréat, nous avons contacté le Ministère de l’éducation nationale pour avoir des précisions concernant les mesures prises pour la corrections des copies de l’épreuve de berbère. Les services du Ministère se veulent rassurants : ils nous ont affirmé que l’ensemble des copies seront corrigées même s’ils reconnaissent que la tâche sera plus difficile que les années précédentes. Aucune précision n’a été donnée quant à l’identité ou à l’éventuelle appartenance institutionnelle des correcteurs. Il nous a été assuré que ce sont des professeurs du secondaire ayant les compétences nécessaires qui s’occuperont de ces corrections.
La réponse du Ministère nous laisse perplexes. Les enseignants du secondaire qui ont les compétences pour accomplir cette tâche (au moins une licence de berbère) ne sont pas nombreux et nous avons vérifié que certains de ces enseignants n’ont pas été du tout contactés par le Ministère. L’on est en droit donc de se demander qui sont/seront ces enseignants recrutés par le Ministère.
Si l’on peut supposer que la DESCO a pu trouver quelques correcteurs pour le kabyle, il lui sera objectivement difficile de trouver des correcteurs pour le chleuh et le rifain dans la mesure où le peu de compétences qui existent dans le domaine se trouvent à l’Inalco (enseignants-chercheurs et étudiants).
Aussi, on peut se demander comment le Ministère procédera pour accomplir cette tâche de correction ? Envisagerait-il de sous-traiter cette correction par le l’ambassade d’Algérie en utilisant le personnel du Centre culturel algérien à Paris qui assure un semblant d’enseignement de langue berbère en France depuis 2000 ? Le Ministère osera-t-il aller jusque là ? Si tel était le cas, cela confirmera que la question berbère en France est sous-traitée par Alger !
Mais là aussi se posera un problème. Le Centre culturel algérien ne s’occupant que du kabyle que faire, encore une fois, des copies de chleuh et de rifain ?
Nous restons donc perplexes quant à cette gestion, pour le moins catastrophique, de l’épreuve de berbère au baccalauréat par le Ministère de l’éducation nationale, et nous demeurons très inquiets pour les 2136 candidats qui ont passé cette épreuve et qui verront peut-être leurs copies non corrigées. Ou corrigées dans des conditions occultes et improvisées qui ne présenteraient aucune garantie académique. Ce qui serait scandaleux et ne saurait être interprété que comme un manque de considération voir un mépris du Ministère à l’égard des lycéennes et lycéens qui tiennent à cette épreuve et, au delà, à l’une de leurs langues.
En attendant, on souhaite davantage de transparence de la part du Ministère, dont on attend qu’il nous rassure quant au sort réservé aux copies des 2136 candidats. Cela nous facilitera notre mission d’information et nous permettra de rassurer les candidats ainsi que leurs parents qui sont nombreux à se s’en préoccuper.
Certains observateurs voient dans cette attitude du Ministère les prémices de la suppression de l’épreuve dès l’année prochaine. Le Ministère pourrait considérer cette "solution radicale" comme un moyen de régler le problème de l’enseignement du berbère. Mais les Berbères de France accepteront-ils une telle mesure expéditive ? Après tous les espoirs suscités par les différents rapports officiels ainsi que les nombreuses promesses, un tel traitement réservé à la langue berbère serait très mal vécu par les centaines de milliers de citoyens qui pratiquent cette langue et qui y tiennent. Mais cela serait certainement l’occasion pour eux de se mobiliser et de sortir dans la rue pour exiger que soit mis fin à ce traitement injuste des langue et culture berbères par la République. Cette République qui n’hésite pas à catégoriser encore les Berbères dans l’ensemble "arabe" et "musulman".
Masin Ferkal
Messages
1. > Les copies des 2136 candidats seront-elles corrigées ?, 24 avril 2005, 09:48, par hocine
Je vous informe que les copies sont corrigées par les amis du RCD, dont quelques étudiants de l’INALCO. C’est cela la politique.