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Mouloud Mammeri et l’indépendance canarienne

par Antonio Cubillo

lundi 15 mars 2004, par Masin

Mouloud Mammeri et l’indépendance canarienne

Antonio Cubillo [1]

Je voudrais vous parler de l’influence de Mouloud Mammeri sur un jeune mouvement de libération : le MPAIAC (Mouvement pour l’autodétermination et l’indépendance de l’archipel canarien).
Je suis arrivé à Alger en octobre 1963 comme réfugié politique, après
avoir posé le problème du colonialisme aux Canaries devant le FLN, et avoir reçu l’autorisation de m’installer en Algérie en tant que représentant des révolutionnaires canariens. [...]

Après avoir entrepris des démarches et contacts administratifs, j’arrivai donc en octobre 1963 à Alger. Dès le lendemain je me suis présenté à l’université d’Alger pour un travail au département d’espagnol. Immédiatement ce poste m’a été attribué. Le troisième jour après mon arrivée j’enseignais aux étudiants algériens du département d’espagnol, récemment créé. Précisément ce troisième jour j’ai eu l’honneur de connaître Mouloud Mammeri qui dispensait des cours d’ethnographie dans le même bâtiment de la faculté des lettres où je travaillais. Je peux dire que de ce premier contact est née une amitié étroite qui s’est développée par la suite à la fois dans le domaine de la recherche scientifique et dans le domaine politique. Sur le plan personnel, cette rencontre a eu une grande influence sur ma propre formation africaniste, me permettant de créer de nouvelles bases solides afin de transformer
notre premier mouvement autonomiste canarien qui devint par la suite le
MPAIAC.

La longue nuit coloniale de cinq siècles, telle une pierre tombale
écrasant la conscience de notre peuple guanche, avait influé sur les premiers indépendantistes canariens qui avaient commencé la lutte en 1960.
L’Espagne avait fait tout son possible pendant ces cinq siècles pour que
notre peuple rompe tous les liens avec notre continent africain. La méconnaissance du monde africain aux Canaries était terrible dans les années 60,
coexistant avec le facteur du racisme qu’il y avait envers les Maures en particulier, et les Africains en général, et dont les répercussions retentirent
jusqu’aux Canaries. Bien que nous sachions que les Guanches venaient de
ce continent, l’acculturation qui nous a été imposée par l’Espagne durant
cette période était un facteur négatif entraînant de profondes influences aux
Canaries.

Ainsi le début du siècle dernier verra la formation des premiers mouvements indépendantistes en Amérique qui échouèrent par ignorance du
contexte africain. Il faut noter d’autre part, que c’est à partir des années 50
que l’impact de la grande vague anticoloniale allait mettre fin au colonialisme. En ce qui nous concerne, des informations fragmentées nous parvenaient. Il est notoire que le colonialisme espagnol avait intérêt à tergiverser
et à occulter la vérité au sujet de ces luttes de libération, comme il l’a fait
pour les révoltes sahraouies en 1956. C’est ainsi qu’il présenta la contre-offensive franco-espagnole comme une croisade contre les dangers maure et africain.

Je signale tous ces aspects pour vous donner une idée des problèmes qu’en ces années-là, j’avais exposés à mon bon ami et collègue
Mouloud Mammeri. Après m’avoir écouté attentivement, Mouloud m’avait
invité à me rendre chez lui à Taourirt, dans sa colline des Aït-Yenni. Ce fut
un voyage extraordinaire et pour la première fois, je fis connaissance avec
la Kabylie par le biais d’un expert. C’était la Kabylie de 1963 qui venait de
sortir d’une guerre de libération, encore pleine de foi et d’espérance en
l’avenir. Par les routes de montagnes il m’expliquait les étapes de la lutte de
libération, les souffrances et combats du peuple algérien, sa résistance
contre le colonialisme et les caractéristiques particulières de la glorieuse
lutte en Kabylie contre le colonialisme français depuis les temps de la
conquête. En cours de route, apparaissaient des noms de villages et de lieux
qui me rappelaient des toponymes canariens. Mouloud m’expliquait leur
signification et nous les comparions avec ceux des Canaries, et de cette
manière il m’expliquait la structure de la langue tamazight. De la toponymie
nous sommes passés à l’ethnographie de la société berbère, cette société qui
a résisté tout au long des siècles aux diverses colonisations.
Mouloud m’a parlé alors de l’anthropologie culturelle et de l’importance que nous avions nous autres Canariens, à connaître notre passé et notre origine ancestrale. Le problème, lui dis-je, est que notre peuple, à cause du colonialisme avait perdu sa langue.

« Peu importe, me dit-il, vous êtes des Berbères même si maintenant vous ne parlez
pas la langue ; de prestigieux Berbères comme Donati, saint Augustin, Tertullien, Apulée,
qui pourtant parlaient en latin ; Septime Sévère qui devint empereur, s’exprimait également
en latin et pourtant il était berbère. Ibn Khaldoun, parlait, s’exprimait et écrivait en arabe ou
Kateb Yacine en français, mais cela n’empêche pas qu’ils étaient de grands penseurs berbères. Un jour viendra, quand vous serez libres et indépendants, où vous introduirez la
langue des aïeux, et les nouvelles générations la parleront dans un proche avenir. Jean
Amrouche disait, qu’il concevait et raisonnait en français mais qu’il ne pouvait pleurer
qu’en berbère. Vous m’avez dit que vous pensez en espagnol et écrivez en cette langue,
mais quand vous écoutez la musique, vous vous émouvez à l’écoute de la berceuse comme
un enfant guanche ou quand vous écoutez un chant traditionnel, votre corps danse comme
un Guanche parce que ce sont des musiques du peuple guanche, n’est-ce pas ? En Afrique
du Nord nous sommes plus de 20 millions à parler tamazight, et la Tamazgha s’étend des
îles Canaries jusqu’au canal de Suez. L’important n’est pas la langue mais la conscience
qu’on a d’appartenir à un peuple. Un jour on va te présenter Kateb Yacine, l’un des plus
grands écrivains modernes. Il écrit en français, il ne parle pas le berbère pour diverses raisons, mais il se sent chaoui et nous le considérons comme l’un des plus grands écrivains
berbères de notre temps. Quand il reviendra en Algérie, nous allons lui enseigner le tamazight puisqu’il a déjà conscience d’appartenir à notre peuple et pense comme un Berbère. »

Quelques années plus tard, Mustapha Ben Hamou me présenta à Kateb
Yacine que nous avons emmené au CRAPE pour que Mammeri réalise son souhait.

De retour à Alger, Mouloud me prêta deux de ses livres : La Colline Oubliée, sa Taourirt, et une étude. Société berbère, publiée en 1938 alors
qu’il avait à peine vingt ans. Cette étude était très importante pour moi
puisque j’y ai trouvé de grands parallélismes, avec la société de quelques
villages canariens et cet esprit de résistance qui subsiste dans le monde
canarien. M. Mammeri, en se faisant ethnologue de sa propre société, met
les connaissances qui l’avaient séparé de sa propre culture, au service de
son peuple et par extension, au service du monde berbère. Dans ses
deux livres, il découvre le rôle traditionnel de l’amusnaw, des poètes et des
chanteurs de rues, dépositaires du savoir de tout un peuple tamusni. Cet
amusnaw existe aussi aux Canaries, et avec ses poèmes et chants populaires, il a conservé pour les générations nouvelles, le souvenir de notre
peuple guanche et ses luttes de résistance. Il va sans dire, qu’il m’a transmis
son enthousiasme pour l’ethnologie et dès que j’ai pu je me suis inscrit à
son cours d’ethnographie de l’Afrique du Nord jusqu’à obtenir le diplôme
correspondant.

Ce qui m’a plu le plus chez Mouloud, après avoir lu ses deux premières œuvres est qu’il a maintenu ses idées et ses convictions depuis sa
jeunesse et qu’il a consacré toute sa vie à son peuple, qui est notre peuple à
nous tous. En ce temps-là (1963), Mouloud essayait de convaincre les responsables du ministère de l’Éducation, de l’importance d’enseigner la langue berbère à l’université.
Quelques-uns se rappelleront tous les problèmes
qui ont surgi, car le ministère s’y refusait, affirmant que le berbère n’était
pas une langue et par conséquent ne méritait pas d’être enseigné. Les amis
de Mouloud et presque tous les collègues de l’université ont entrepris une
longue lutte pour arriver à faire admettre l’enseignement du berbère, en
dénonçant les secteurs immobilistes. Cette lutte anti-Mammeri a fait que je
me joignis à son combat et le considérai comme mien puisque j’étais moi-même l’une des personnes intéressées par l’enseignement de la langue tamazight dans les universités algériennes. Nous savions que l’ancestrale langue
de l’Afrique du Nord, le tamazight ou le berbère était enseignée dans
presque toutes les universités européennes, aux USA et au Japon, et nous ne
comprenions pas comment sur les lieux mêmes où elle se parlait en Afrique
du Nord, origine de la langue et culture berbère, elle n’était ni enseignée
ni étudiée.

Avec le temps, nous sommes arrivés à ce que soient donnés à l’université d’Alger lesdits cours, jusqu’en 1973. J’ai assisté aux magistrales leçons
de Mouloud, leçons qui m’ont beaucoup servi dans mes études sur le
guanche et qui ont donné lieu à un changement radical dans les travaux
culturels et politiques de ce qui est devenu plus tard notre mouvement de
libération nationale. De toute façon dès le début de l’année 1964, Mouloud
insistait pour que notre premier mouvement autonomiste se transformât en
un mouvement de libération africain. Il était nécessaire de faire ressortir le
facteur africain et parler de l’autodétermination et de l’indépendance et
encore plus après la création de l’OUA. Toutes ces réflexions je les trans-
mettais à mes compagnons qui étaient restés aux Canaries, et en même
temps j’envoyais des douzaines de livres et revues, des publications du
musée du Bardo que me procurait Mouloud pour que l’on prenne
conscience, aux Canaries, du facteur africain et pour que soit étudiées les
racines. Dans toutes les publications du musée du Bardo et du CRAPE
(Centre de recherches anthropologiques préhistoriques et ethnographiques)
Mammeri insistait sur l’aspect culturel de la lutte de libération. Pour cela il
m’a procuré une grande quantité de livres publiés à Alger, pour que les
centres universitaires et culturels canariens eussent toutes ces publications et
attisassent leur intérêt pour tout ce qui est relatif à notre continent africain,
l’Afrique du Nord en particulier et la Berbérie en général. L’essentiel pour
le peuple guanche en ces moments-là était de trouver un trait d’union qui le
lie à son passé ancestral qui est présent ici, sur le continent, dans cette partie de l’Afrique du Nord.

« II faut faire découvrir à ton peuple le sens de la continuité historique parce que les
Espagnols ont essayé d’effacer sa mémoire historique. Les colonisateurs ont toujours essayé
d’effacer la mémoire historique des peuples pour les abrutir et mieux les dominer. Un
peuple sans conscience historique n’est pas un peuple ou si tu veux c’est un peuple analphabète. Le devoir des intellectuels et des hommes politiques engagés dans la lutte de libération est de leur enseigner leur histoire et réveiller leur conscience historique pour qu’un
jour ils se lèvent et luttent pour leur patrie soumise. »

Nous autres Canariens, sommes très reconnaissants à tout ce qu’avait
fait Mouloud pour nous en ces années-là. De ces envois de livres et contacts
culturels surgit un grand intérêt pour tout ce qui venait de l’Algérie et de
l’Afrique du Nord en général. Grâce à ces livres beaucoup d’étudiants sont
aujourd’hui des professeurs africanistes. Mouloud savait ce qu’il faisait et
comment cela devait se faire puisqu’il voyait très loin. Moi j’étais d’accord
sur ses vues en faveur de la libération de cette partie de l’Afrique du Nord
que sont les Canaries. Mouloud insistait continuellement sur la personnalité
africaine et fut un grand défenseur des idées qui ont cimenté l’organisation
de l’unité africaine. Il fallait redécouvrir les cultures africaines et les ethnies
pour que cette phrase du grand leader africain Massinissa « l’Afrique pour
les Africains » devint une réalité. Quand, plus tard, je l’aidais dans ses
travaux au CRAPE, avec d’autres amis algériens (certains se trouvent aujour-
d’hui ici) pour trouver beaucoup de mots berbères qui avaient disparu du
kabyle et qui par exemple se trouvaient dans ce qui reste de la langue
guanche comme efeken (temple) ou awanak (nation ou république) ou usan
sufen
(bonjour). A ce centre d’investigation ont défilé beaucoup d’intel-
lectuels touaregs, venus de Libye, du Mali, du Niger, du Burkina Faso ou
du Nigeria. Peu à peu se propageait à travers l’Afrique du Nord la nouvelle qu’à Alger se préparait l’élaboration d’un dictionnaire panberbère
VAmawal. Du Maroc, de Libye, du Niger et du Mali arrivaient des personnes intéressées par lesdits travaux et cela nous servait à découvrir une
nouvelle solidarité ethnique qui couvrait toute l’Afrique du Nord. Cela
signifie que dans toute l’Afrique du Nord et au-delà du Sahara, il y avait
une culture nationale qui n’était pas du folklore, mais une série de gestes et
faits culturels réalisés par un peuple divisé par des frontières et des colonisations, qui s’est maintenue tout au long des millénaires. Mammeri me
disait qu’une grande partie de la musique qui, en Algérie était dite arabe,
était en réalité de la musique berbère mais chantée en arabe comme aux
Canaries la musique guanche était chantée avec des paroles espagnoles.
Dans les recherches sur le terrain, Mouloud emmenait les élèves pour une
vérification pratique car ce qu’il disait il le démontrait toujours. Nous vérifiions ces faits et cela nous donnait une garantie intellectuelle pour renforcer nos affirmations. Ainsi donc nous avons formé des équipes dans
lesquelles étaient présents des chercheurs de divers pays d’Afrique du Nord
pour élaborer le Amawal.

En octobre 1964, Mouloud m’a conseillé de me rendre à la réunion des
pays non alignés qui a eu lieu au Caire. Ainsi j’aurais l’occasion de discuter avec les leaders des différents mouvements de libération africains. Le
FLN m’a facilité le déplacement, ce qui m’a permis de connaître tous les
dirigeants des peuples en lutte contre le colonialisme et l’Apartheid, tels que
Agostinho Neto, Cabrai, Moudiane et les combattants de l’Afrique du Sud.
Ils m’ont tous dit que tout combat de libération est, avant tout, un combat
culturel. Amilcar Cabrai a insisté sur ce point à plusieurs reprises et m’a dit qu’il fallait former immédiatement le mouvement de libération des Canaries pour lutter pour la totale libération de notre continent africain. Frantz Fanon
lui-même affirmait :

« Nous pensons que la lutte organisée et consciente menée à terme par un peuple
colonisé pour rétablir la souveraineté de la nation constitue la manifestation entière de la
culture. »

J’ai ici un facteur fondamental de notre lutte que notre mouvement
devrait développer au maximum, à savoir l’aspect culturel. L’investigation
sur nos aïeux les plus lointains devrait se faire en Algérie et au Maroc et
même en Libye, et cela était un aspect méconnu par nous, orphelins dans
ces îles occupées depuis cinq siècles par le colonialisme espagnol, un des
plus terribles du monde.

Je dois reconnaître ici, en l’honneur du grand maître, qu’en 1963-1964,
l’administration de ce pays, à peine l’indépendance obtenue, ne fonctionnait
pas encore, je suis resté une année entière sans percevoir mon salaire de
professeur. Grâce à mon ami, collègue et maître Mouloud Mammeri j’ai pu
survivre et bien sûr, en 1964, lorsqu’on nous eut payé l’année scolaire, j’ai
remboursé ma dette. Durant tout le temps où j’ai eu l’honneur de partager
l’amitié de Mouloud, je me suis rendu compte que le principal problème de
notre peuple était la crise de l’identité culturelle et la conscience nationale.
Il fallait créer ou redécouvrir notre propre identité, pour l’approfondir dans
la conscience nationale. Mouloud me disait que pour nous ce serait peut-être
facile, puisque nous étions isolés dans la mer. Cela pourrait renforcer notre
identité et nous n’allions pas rencontrer des problèmes comme les nouveaux
pays africains qui, pour avoir hérité des frontières du colonialisme, englobaient des ethnies différentes et contradictoires, ce qui à la longue serait la
disgrâce de l’Afrique. Mouloud était pour l’Afrique des ethnies, et non
Cour l’Afrique des États. Si dans une première étape il fallait admettre les
Etats surgis de l’indépendance, il fallait reconnaître les différentes cultures
des ethnies, puisque les différentes cultures qui coexistent doivent reconnaître que leur coexistence doit se baser sur un processus de participation
mutuelle, d’expériences culturelles qui les enrichiront mutuellement. Après
mon retour de voyage de l’OUA, j’expliquais à Mammeri les luttes qui
survenaient dans quelques États africains ; Mouloud devenait triste et me
disait que chaque culture devait faire des sacrifices au profit des autres qui
composent l’État, sans que l’une soit supérieure à l’autre ; l’unité culturelle
et la conscience nationale doivent être affirmées par le développement des
langues nationales, sans qu’une langue soit étouffée par une autre.

En cela j’étais d’accord avec lui. Mouloud croyait que l’idéologie des
nouveaux États africains était le fruit de la philosophie productiviste de la
bourgeoisie européenne qui repose sur la notion sacro-sainte de la souveraineté de l’État avec son centralisme jacobin. L’Afrique devait adopter de
nouveaux modèles pour éviter les luttes fratricides entre les ethnies, et les nouveaux Etats gagneraient en cohésion en renonçant au centralisme napoléonien et en donnant à chaque communauté culturelle ou ethnique une vie réelle et la possibilité de s’administrer et participer, à travers son propre et
naturel développement, dans l’ensemble de la nation. En un mot, que le
pouvoir central dans cette nouvelle nation jouerait le rôle de coordination,
d’orientation et d’arbitre.

Je peux parler des heures et des heures de l’influence de Mouloud
sur la formation et le développement de notre mouvement de libération,
non seulement en Algérie, mais également quand je suis retourné dans ma
patrie guanche en 1985. Le contact était continu. Nous étions dans une nouvelle étape, qui était la lutte à l’intérieur de la colonie. Mouloud nous avait
enseigné comment développer la clandestinité et poser le problème en
tenant compte des changements dans la politique espagnole. Dès mon installation dans l’île de Tenerife, j’ai invité Mouloud à venir aux Canaries
pour qu’il connût notre réalité et qu’il participât dans la mesure du possible
à notre lutte.

J’ai pu enfin inviter chez moi, en janvier 1986, Mouloud, le professeur,
ainsi que l’amie algérienne, Tassadit Yacine, et son mari. L’importance de
cette visite de Mouloud aux Canaries est fondamentale pour le développement de notre nouvelle étape de lutte aux Canaries. La conférence qu’il y a
donnée a été le début d’un échange culturel interrompu depuis des siècles
avec l’arrivée des colonialistes espagnols. Il y a ici un autre orateur canarien
qui vous exposera en détail demain l’influence de cette visite et comment
à partir de cette date, a débuté une série d’échanges entre les Canaries,
l’Algérie et le Maroc.

Vous ne pouvez pas imaginer ce qui est arrivé dans le salon de la cité
universitaire « La Laguna », quand un auditeur très ému demanda à Mouloud
Mammeri de réciter un poème en tamazight, la langue des ancêtres des
actuels Guanches. Les larmes coulaient, les gorges se serraient d’émotion et
à la fin de longs applaudissements ont secoué les murs de la salle. Et de là,
une nouvelle étape de la lutte culturelle de notre peuple surgit, une étape
qui unira pour toujours les peuples canariens et algériens et qui a réuni les
îles au continent, tout cela grâce à notre lutte et à Da el-Mouloud, ce grand
Algérien, ce grand Africain, ce grand ami, ce grand homme universel.


Texte publié avec l’aimable autorisation de Tassadit YACINE, Directrice de la revue AWAL.



Article extrait de AWAL-Cahiers d’études berbères, n° 18, Paris, 1998.

Voir le site d’AWAL


[1En 1992 Antonio Cubillo était secrétaire général du MPAIAC (Mouvement pour l’autodétermination et l’indépendance de l’archipel canarien).