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"AKAL" : un parti qui défend l’Amazighité de la Tunisie
Entretien avec Samir Nefzi, président du parti Akal.
jeudi 16 mai 2019, par
Âgé de quarante-et-un ans, Samir Nefzi est titulaire d’un Master en sciences Criminelles, il est journaliste et activiste politique, militant des droits de l’Homme et il est l’un des fondateurs du parti politique AKAL. La création de ce dernier a été annoncée publiquement lors d’une conférence de presse qui a eu lieu à Tunis le 4 mai 2019. Samir Nefzi est élu président du parti qui s’est doté instances et a déposé une demande d’agrément auprès des autorités tunisiennes.
Pour comprendre cette initiative de création d’un parti politique amazigh en Tunisie et en savoir d’avantages sur les projets de ce parti, nous avons sollicité son président, Samir Nefzi, qui a eu l’amabilité de nous accorder cet entretien.
INTERVIEW.
Tamazgha.fr : Pourriez-vous nous préciser les objectifs de votre parti notamment ses orientations idéologiques ? Et pourquoi le nom AKAL ?
Samir Nefzi : "Akal" est un mot amazigh qui veut dire "terre"ayant une double signification dans la philosophie de notre parti. Le premier sens inclut le concept de souveraineté sur le terrain, ce qui signifie l’indépendance de la décision nationale ; et le second sens est la richesse sur notre terre qui comprend la richesse humaine et naturelle.
Politiquement et intellectuellement, notre parti appartient à la famille social-démocrate et, dans ce contexte, nous sommes partisans de l’instauration de la justice sociale selon les normes nationales préconisées par le reste des forces politiques.
Cependant, les objectifs qui nous distinguent du reste des forces politiques sont nos efforts pour reformuler une véritable constitution tunisienne qui instaure un État civil laïc moderne et qui tire la Tunisie du dilemme de la réduction au sein d’une culture, d’une race et d’une dénomination religieuse propres à la diversité culturelle, ethnique et sectaire.
Nous œuvrons pour mettre fin à l’injustice historique infligée aux Tunisiens non-arabes et non-musulmans et passer de la constitution de l’État de croyants à l’établissement de l’État de citoyens.
Nous tenons à l’abolition de toutes les lois et tous les tracts qui distinguent entre Tunisiens et qui empêchent l’attribution de noms non-arabes aux nouveaux nés et interdisent aux Juifs d’intégrer l’armée nationale, la justice et d’autres fonctions publiques.
Il est plus que jamais nécessaire de rétablir l’esprit du Tunisien et lui donner un sentiment d’existence à travers la réhabilitation de la culture et de l’histoire amazighes et de son mode de vie ainsi que le retour de la Tunisie dans le giron de la Méditerranée nord-africaine.
Il est temps de sortir des axes ratés dont la Tunisie n’a profité que pour s’immiscer dans ses affaires intérieures.
Nous militons pour la formulation d’un cours de développement économique national basé sur la production de richesse et de justice en le distribuant selon une vision équilibrée qui donne la priorité à la première étape de l’intervention de l’État en partenariat avec le secteur privé.
A signaler que les grandes lignes du programme de notre parti sont exposées dans la déclaration fondatrice du parti.
Reste à dire que la Tunisie est amazighe sans attendre d’être reconnue par quiconque. Aussi, il n’y a pas de "tuteur" des Amazighs ni un quelconque monopole sur la terre amazighe qui considérerait les Amazighs comme fonds de commerce propre.
Pourquoi un parti politique amazigh ?
Nous avons d’abord créé un parti politique amazigh, à l’instar des autres partis, pour accéder au pouvoir et mettre en œuvre notre programme. De plus, le mouvement amazigh en Tunisie, qui se limite aux événements culturels, est incapable de répondre aux exigences et aux aspirations de la nouvelle génération d’Amazighs qui a grandi avec un sentiment d’appartenance historique.
D’autre part, la diversification du mouvement amazigh, entre les activités des associations et l’activité politique des partis politiques, est au cœur de la société civile, ce qui enrichira l’expérience du mouvement amazigh tunisien et la fera avancer.
Les Amazighs d’aujourd’hui en Tunisie, et en tant que citoyens, ont décidé de passer du stade des revendications au stade de la prise de responsabilité politique.
Quelle a été la réaction des autorités politiques tunisiennes ?
En ce qui concerne les autorités tunisiennes, nous attendons une réponse à notre demande de licence pour notre parti.
Quel est l’accueil qui lui a été réservé par la population ?
Les réactions populaires sont diverses et variées. Certains expriment un rejet de notre initiative, ils usent de mauvaise foi et de manipulation en vue de désinformation travestissant ainsi nos déclarations et objectifs, ils nous accusent de vouloir diviser le peuple ; d’autres, en revanche, ont positivement accueilli notre initiative et nous adressent régulièrement des messages d’encouragement. Quotidiennement, depuis l’annonce de notre parti, nous recevons des dizaines de demandes d’adhésion et d’engagement, ce qui nous a conforté dans notre initiative et nous rassure sur la réalité du sentiment d’appartenance à l’Amazighité enTunisie et n’attend que cette étapepour s’exprimer : cela rend notre responsabilité plus grande.
Dans son édition du 10 mai 2019, le site d’information en ligne Tunisie Numérique a évoqué avec mépris la création de votre parti qu’il compare au parti salafiste "Hizb-Ut-Tahrir", et fait un parallèle entre l’idéologie de ce parti salafiste et vos objectifs. Il considère que l’annonce de votre parti est de "nature à jeter le trouble dans la scène politique et sociale dans le pays". Que répondez-vous à ce journal ?
Ce qui est mentionné dans l’un des sites web qui fait le parallèle entre notre parti et un parti religieux salafiste est une réaction naturelle des adversaires des Amazighs, des arabistes qui ignorent la diversité culturelle et intellectuelle. Ce sont les victimes d’une pensée, d’un destin et d’un dirigeant ainsi que de discours négationnistes. Ils sont victimes de discoursen déphasage avec l’histoire et croient qu’ils détiennent la vérité. Ils sont, malheureusement, incapables de comprendre la révélation de l’Histoire contemporaine ayant dépassé leurs idées révolues.
Quelle est la situation aujourd’hui en Tunisie ?
La situation en Tunisie est tendue à tous les niveaux face à un état d’agitation politique dans lequel le pouvoir est incapable de trouver des solutions radicales aux problèmes économiques et sociaux avec l’absence d’un projet gouvrenemental propre dès l’origine. A cela s’ajoute l’adoption d’une approche improvisée du processus qui consiste à attendre l’installation de la crise pour procéder à la recherche de mesures superficielles pour la résolution des problèmes.
Quelle appréciation portez-vous sur la situation de l’Amazighité à travers Tamazgha ?
Les Amazighs à travers Tamazgha sont distincts : en Algérie et au Maroc, ils sont reconnus comme un élément culturel doté de nombreux droits malgré la rupture du pouvoir, empêchés de travailler dans un incubateur politique amazigh. Il y a aussi la Libye, qui a une certaine spécificité. La Tunisie, quant à elle, et c’est une exception, elle rejette la reconnaissance constitutionnelle de tamazight.
De manière générale, les Amazighs souffrent en Afrique du Nord, pays d’arabisation forcée et de marginalisation de leurs régions, mais le rêve de l’unité de l’Afrique du Nord est le dénominateur commun de tous les Amazighs d’Afrique du Nord.
Peut-on dire que les régimes en place en Afrique du nord sont animés par une même idéologie et qu’ils partagent la politique anti-amazighe qu’ils mettent en œuvre pour l’éradication de l’Amazighité ?
Le seul programme que les régimes nord-africains connaissent est la lutte contre les droits des Amazighs de différentes manières notamment en insistant, dans leurs constitutions, sur l’arabitéde ces paysainsi que les efforts qu’ils déploient pour l’arabisation. En même temps, ils s’attaquent aux mouvements de défense des droits des Amazighs en les accusant deconspiration extérieure, detrahison et en leurinventantdes relations avec les sionistes et d’autres accusationsencore.
Que répondez-vous à ceux qui réduisent l’Amazighité à la pratique de la langue ?
Tamazight n’est pas seulement une langue, elle est également une culture, une histoire et un mode de vie ; la réduire à une question linguistique relève du mépris dans le but de la dévaloriser. En revanche, l’exagération de l’amazighisme, la terre sur laquelle nous vivons, c’est la gloire historique que nous chérissons et qui peut faire émerger une nouvelle personnalité pour le Tunisien avec un sens authentique qui l’éloigne de l’extrémisme ethnique et religieux.
Depuis le 4 avril, Khalifa Haftar, à la tête des Forces armées arabes libyennes, mène une offensive militaire sur Tripoli dans le but de prendre le contrôle de l’ouest. Qu’en pensez-vous ?
La guerre civile en Libye est le résultat de la combinaison d’intérêts extérieurs dans le pays et qui a divisé le peuple libyen piégé par des idées étrangères à sa culture ce qui l’a engouffré dans une voie nuisible aux intérêts du peuple libyen. Ce sont là les inévitables conséquences de l’aliénation des sociétés qui s’éloignent de leur réalité. Je dirai donc que ni Khalifa Hafater ni Fayez Al-Seraj ne peuvent servir les intérêts de la Libye.
Le moment est donc crucial en Libye, et ce qu’on demande à la Libye amazighe est maintenant de ne pas prendre part à la guerre qui oppose les deux camps ni de sacrifier le sang libyen. Il conviendrait de développer une ligne politique nationale pour lutter contre ces conflits gérés par des forces extérieures et de formuler un programme politique national pour lancer le processus politique national à même d’assurer la coexistence démocratique entre les différentes composantes.
Les Amazighs doivent-ils venir en aide aux Amazighs de Libye sérieusement menacé par le criminel Haftar ?
Je n’ai pas le droit de qualifier un libyen de criminel, mais le peuple libyen a le droit de le faire. Ce qui nous préoccupe c’est que les adversaires savent que le peuple libyen n’a aucun profit à tirerde la guerre mais plutôt de la paix. Le peuple libyen se doit d’explorer toutes les propositions de paix civile en Libye.
Comment voyez-vous l’avenir de l’Afrique du nord ?
Je vois l’avenir de l’Afrique du Nord dans son unité qui a toujours contribué à sa renaissance, et je pense que son retour à son environnement naturel, méditerranéen et africain, seule en mesure de l’extraire est capable des nombreux e nombreux problèmesauxquels elle est confrontée. Cela est indispensable, et cela n’est accompli que par le soutien politique amazigh enraciné dans son territoire, son histoire et ses intérêts.
Un mot pour les lecteurs de Tamazgha.fr…
En fin je remercie votre site Tamazgha.fr pour cette opportunité, auquel je rends hommage. Je tiens à vous encourager dans vos efforts visant à faire connaître les problèmes auxquels sont confrontés les Amazighs et à faire entendre notre voix à travers le monde.
Propos recueillis par
Masin Ferkal.
Paris/Tunis, mai 2019.
Messages
1. la souverainté de la culture amazighe sur son territoire est necessaire, 16 mai 2019, 21:34, par kamal ait ben juba
Les amazighes ne demandent pas d’exprimer leur souverainté sur les territoires de la penisule arabique qui se trouve dans un autre continent qui est l’asie ,où les arabes sont libres de s’exprimer comme ils souhaitent et exploitent leur richesses comme ils veulent .Mais ils demandent simplement et gentillement de l’exprimer sur leurs propres territoires au nord de l’afrique (excépté l’égypte).Sachant que historiquement , les arabes actuels du golf arabique ne sont pas pas responsables de la conquete de nos territoires par les anciens arabes ,ils doivent en principe reconnaitre le droit des amazighes à etre souverains sur leur propres territoires au nord de l’afrique comme nous reconnaissons que les territoires des arabes du golf sont souverains et inaliénables par qui que ce soit..ils doivent en principe nous présenter des excuses historiques ..c est leur devoir ..
du point de vue de l’identité ,nous sommes donc des gens libres et souverains sur nos territoires qui ne sont ni arabes ni islamiques .Et nous ne sommes ni arabes ni musulmans.car nous ne pouvons pas etre quelque chose que nous ne sommes pas.Et qui dit raison dit automatiquent non religion. voilà en bref mon message. t
2. "AKAL" : un parti qui défend l’Amazighité de la Tunisie, 17 mai 2019, 18:38, par ATHBOUYAHIA
EXCELLENTE INITIATIVE !
CA DEVRAIT ETRE LE CAS DANS LE TOUS LES PAYS D’AFRIQUE DU NORD POUR NOUS ACHEMINER VERS THAMAZGHA (Confédération des IMAZIGHENS)