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Discours du président de Tamazgha à la Mairie du XIVème arrondissement de Paris

Mairie du XIVème, le 2 avril 2003

dimanche 6 avril 2003, par Masin

Discours du président de Tamazgha à l’occasion de la clôture de la semaine berbère dans le XIVeme, en présence de mosnieur Pierre CASTAGNOU, Maire du XIVeme.






Mesdames, Messieurs, Cher(e)s ami(e)s,
Azul,
Bonsoir.


Au nom de tous les membres de Tamazgha, je tiens tout d’abord à remercier monsieur Castagnou, Maire du XIVe ainsi que toute l’équipe municipale pour l’accueil qu’ils nous ont réservé ici à la Mairie du XIVe.

Je tiens à remercier monsieur le Maire d’avoir bien voulu nous donner la possibilité de fêter les dix ans de TAMAZGHA ici, dans les locaux de la Mairie et avec le soutien de la Mairie.

Merci à monsieur le Maire d’avoir bien voulu, en partenariat avec Tamazgha, offrir à nos adhérents, nos sympathisants et amis ainsi que l’ensemble des Parisiennes et Parisiens une semaine d’activités autour de la culture berbère.

Au delà de cet accueil et de ce soutien, c’est d’une reconnaissance qu’il s’agit là, du moins d’un début de reconnaissance : reconnaissance des culture et langue berbère à Paris.

C’est donc avec un grand plaisir que nous vous accueillons aujourd’hui pour lever un verre d’amitié pour les dix années de TAMAZGHA. Dix années d’existence dans le XIVe arrondissement de Paris qui sont aussi dix années d’activité et de combat.

Durant ces dix années, TAMAZGHA a essayé, avec les moyens qu’elle a, de contribuer à l’animation de la vie culturelle à Paris. Nous avons fait la promotion et le développement de la culture berbère qui fait partie désormais des paysage et patrimoine parisiens et ce depuis plus d’un siècle. Non sans difficultés TAMAZGHA a fait tout pendant ces dix ans pour faire découvrir la culture berbère aux Parisiennes et Parisiens et même au delà. Pendant ces dix ans TAMAZGHA a fait tout pour partager avec les Parisiennes et Parisiens cette culture plusieurs fois millénaire de la Méditerranée, une culture d’ouverture, qui s’inspire des valeurs universelles de laïcité et de démocratie. Une culture attachée à l’amour et à la liberté.

Mais ces dix années ont été également pour TAMAZGHA dix années de combat et de lutte. De combat et de lutte aux côtés des Imazighen (Berbères) qui résistent à la politique d’assimilation pratiquée par les Etats qu’ils subissent aujourd’hui dans leur pays, TAMAZGHA (la Berbérie).

Depuis avril 2001, TAMAZGHA est particulièrement préoccupée par la situation que vit le peuple berbère de Kabylie qui subit la pire des répressions et des injustices. Les gendarmes et militaires algériens après avoir assassiné 123 personnes en usant parfois d’armes de guerre, et ayant blessé des milliers de personnes dont près de deux mille handicapées à vie, ont procédé à l’arrestation de plusieurs délégués de villages et de comités de quartiers de villes de Kabylie.

Le seul tort des Kabyles est de revendiquer la démocratie et la reconnaissance de leur langue, de leur culture et de leur identité. Nous déplorons que le combat de cette région, par ailleurs très liée à la France, passe sous silence dans la patrie des droits de l’homme qui a accueilli plus d’un million de personnes originaires de cette région.

C’est l’occasion aujourd’hui pour nous de rendre hommage au combat de la Kabylie qui continue à résister malgré toutes les difficultés. Nous rendons également hommage au combat du peuple berbère qui tient à exister et à rejeter toute assimilation.

Le combat de TAMAZGHA c’est aussi, et surtout, celui qu’elle mène en France. Oui, même en France nous menons un combat.

En effet, les Berbères qui sont l’une des plus importantes communautés en France si ce n’est la plus importante, ne bénéficient malheureusement d’aucune reconnaissance. Et pourtant ! Paris n’est-elle pas la capitale des Berbères ? Un tiers de la filière de l’hôtellerie et brasserie de la région parisienne n’appartient-elle pas aux Kabyles ? Plus de la moitié des épiceries parisiennes ne sont-elles pas tenues par les Berbères du Sud du Maroc, les Chleuhs ? Paris n’est-elle pas la ville privilégiée d’expression des artistes kabyles ? Paris n’est-elle pas la ville de la recherche et de la publication des travaux de langue et littérature berbères ?

L’on sait que l’immigration kabyle est arrivée en France depuis le début du siècle dernier. L’on sait aujourd’hui que près d’un million de citoyens français s’expriment en berbère.

Et pourtant ni la langue ni la culture de ces Berbères ne sont reconnues par l’Etat français. L’Etat français ne s’est pas contenté de la non-reconnaissance des langue et culture berbères mais plus grave encore ; il va jusqu’à la participation à l’arabisation des Berbères en France. Oui, jusqu’à l’arabisation des Berbères en France ! Sinon comment expliquer le fait que le Ministère de l’Education Nationale propose aux enfants d’origine berbère l’apprentissage de la langue et la civilisation arabes leur présentant ces dernières comme étant leurs langue et civilisation d’origine ?! Nous trouvons cela déplorable !

Comment expliquer aussi cette attitude qui consiste à entretenir un amalgame autour des Berbères en les catégorisant dans l’ensemble arabes, musulmans ou Maghrébins.

L’on sait que les Berbères ne sont pas Arabes, l’on sait aussi que les Berbères sont de toutes les religions et d’aucune au même temps... Parmi les Berbères aujourd’hui il y a ceux qui sont de confession juive, ceux qui sont Chrétiens (n’y a-t-il pas trois associations de Berbères chrétiens à Paris ?). Il y a ceux qui sont Musulmans, ceux qui sont libres penseurs, ceux qui n’ont aucune religion et ceux qui sont athées...

C’est très simple : les Berbères sont des êtres humains. Leur véritable nom "Imazighen" veut dire « Homme libres » (Hommes et femmes libres) ; ils sont donc jaloux de leur liberté, cette liberté qui leur permet d’être ce qu’ils veulent et ce qu’ils ont choisi.

Ce que veulent les Berbères aujourd’hui c’est que personne ne décide à leur place de ce qu’il doivent être. Les Berbères aujourd’hui veulent être reconnus en tant que tels, en tant que Berbères.

Le Berbère veut qu’il soit défini par son identité, sa culture et sa langue et non pas par ses religions.

Il y a exactement une semaine, 2000 candidats à l’examen du baccalauréat général et technologique à travers l’Hexagone avaient subi l’épreuve facultative de langue berbère. Ces 2000 lycéens ont eu à affronter une épreuve écrite sans pour cela que le Ministère de l’éducation nationale leur ait assuré la moindre préparation. L’écrasante majorité d’entre eux ignorent jusqu’à l’alphabet utilisé pour transcrire la langue berbère. N’est-il pas injuste pour ces deux mille candidats de se retrouver dans une telle situation. ? N’y a -t-il pas là une discrimination puisque leurs camarades qui ont passé d’autres épreuves dans d’autres langues, et qui sont par ailleurs beaucoup moins nombreux, ont bénéficié d’une préparation puisque l’Education nationale assure l’enseignement de ces langues ?

Ce nombre important de lycéens qui optent pour l’épreuve de berbère au baccalauréat montre à quel point l’apprentissage de la langue berbère est une demande sociale réelle et qui mérite l’attention des autorités françaises.

Et pourtant depuis 1999, la langue berbère est citée dans des textes de la République comme faisant partie du patrimoine linguistique de la France ; cela ne saurait expliquer sa non prise en charge par l’Education nationale.

Nous restons convaincus que la reconnaissance des Berbères doit passer impérativement par deux projets urgents ; celui de l’enseignement de la langue berbère et celui du soutien de la culture berbère.

L’enseignement relève des pouvoirs et compétences du Ministère de l’Education nationale. Quant au soutien de la culture berbère, nous restons convaincus, au sein de notre association, que le Ministère de la Culture et la Mairie de Paris doivent agir et débloquer tous les moyens pour la concrétisation du projet "Maison de la culture berbère" initié par monsieur Chaker, professeur de berbère à l’Inalco.

TAMAZGHA, souhaite d’ailleurs que notre Maire apporte son soutien à ce projet qui, nous en sommes convaincus, permettra à la culture berbère de jouir de cette reconnaissance dont elle a tant besoin.

Je suis désolé d’avoir été aussi long, mais il m’a semblé nécessaire de dire un certain nombre de choses importantes pour nous, pour la culture berbère, mais pour la France également.

Avant de terminer, je tiens à remercier toutes les personnes bénévoles qui ont travaillé à la réussite de cette semaine, je tiens à remercier l’ensemble des intervenants (artistes, conteurs, conférenciers, exposants,... ) ayant participé à l’animation de cette semaine. Et enfin je renouvèle mes remerciements à monsieur Castagnou et à l’ensemble de l’équipe municipale du XIVe de nous avoir donné cette occasion de nous exprimer et de partager avec vous ce moment important de la vie de notre association. Nous espérons que ce n’est là qu’un premier pas vers une collaboration et un partenariat qui fera en sorte que les langue et culture berbères aient définitivement la place qu’elles méritent ici à Paris et en France de manière générale.


Merci.


Paris, le 2 avril 2003.


Masin FERKAL

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