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Enseignement du berbère en France :

Un cheminement tortueux.

lundi 17 janvier 2005, par Masin

Les berbérophones constituent en France l’une des plus importantes communautés d’origine étrangère : pas moins de deux millions de Berbères vivent aujourd’hui dans l’Hexagone. Malgré un tel ancrage, leur identité propre voire leur existence sont rarement perçues par l’opinion et les observateurs français.

Ce véritable déni identitaire procède fondamentalement d’une catégorisation sommaire dont la communauté berbère est l’objet courant. Confondue dans l’ensemble de l’immigration « maghrébine », la communauté berbère n’est, aux yeux du sens commun, ni plus ni moins qu’une composante de la population dite « arabe ». Ce que les pouvoirs publics eux-mêmes semblent volontiers encourager.

Ainsi, la France n’a-t-elle pas été tentée de participer à l’arabisation des jeunes berbères scolarisés dans l’Hexagone en leur recommandant l’apprentissage, dès le primaire, des langue et civilisation arabes présumées être les leurs ?

Pourtant, la communauté berbère n’a pas manqué d’interpeller les autorités politiques françaises dans le but d’obtenir une reconnaissance officielle de la langue berbère afin notamment de permettre la prise en charge de son enseignement dans le secondaire.

Plus spécifiquement, il est régulièrement demandé à l’État français d’assurer une préparation à destination des lycéens, qui, à partir de 1995, ont eu la possibilité de passer à l’écrit une épreuve facultative de langue berbère au baccalauréat. Depuis, le succès de cette épreuve ne s’est jamais démenti puisque 2.250 candidats se sont présentés à la dernière session (2004).

En dépit de chiffres aussi éloquents, les pouvoirs publics ont continué d’opposer une fin de non-recevoir à toute demande de mise en œuvre d’un programme d’enseignement de la langue berbère. De même que les promesses circonstancielles et électoralistes des partis politiques en faveur de celle-ci sont restées lettre morte.

C’est néanmoins dans un tel contexte que le Ministère de l’Éducation nationale annonce l’ouverture dans un lycée parisien (Lycée Lavoisier) d’un cours hebdomadaire de préparation à l’épreuve de berbère à compter du 12 janvier 2005.

Si dans l’absolu cette décision d’enseigner la langue berbère est une bonne chose, cette mesure reste bien en deçà des attentes de la communauté berbère. De même que si le Ministère portait à la langue berbère tout l’intérêt que requiert sa protection et sa promotion, il aurait sans hésitation, et depuis fort longtemps, reconnu un véritable statut pour le berbère. Statut au demeurant réclamé par toute une littérature savante constituée notamment du rapport de Guy Carcassonne au Premier Ministre (1999) et du rapport de la Commission Stasi au Président de la République (2003).

Dans un courrier adressé au professeur Salem Chaker par le Cabinet du Conseiller pour l’éducation et la culture du Président de la République, il a été annoncé la nomination de Hocine Sadi en tant que responsable coordinateur des enseignements et épreuves de berbère auprès de la direction de l’enseignement scolaire (DESCO). Cette décision prise en haut-lieu crée l’étonnement.

En effet, cette nomination intervient au moment où Salem Chaker, directeur du Centre de recherche berbère de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), avait été proposé par la présidence de l’Inalco pour être nommé en tant qu’inspecteur de l’Education nationale pour la langue berbère.

Investi depuis plus d’une dizaine d’années sur le dossier, Salem CHAKER est progressivement apparu comme l’interlocuteur dédié des pouvoirs publics s’agissant des questions relatives à l’enseignement du berbère.

Considérant que l’éviction brutale dont il a fait l’objet sonne comme « un désaveu à l’égard de sa personne et des enseignants de berbère de l’INALCO », Salem CHAKER, dans une lettre adressée au président de l’Inalco, a demandé « que soit supprimé à l’avenir de la liste des langues faisant l’objet de la convention INALCO/DESCO ».

Ainsi, d’après les informations émanant de la Présidence de la République, Hocine Sadi sera chargé « de l’organisation et du suivi de l’expérimentation proposée au lycée Lavoisier visant à offrir des séances de préparation à l’épreuve écrite de berbère au baccalauréat ». En outre, il aura la responsabilité, plus large, de « développer une documentation pédagogique et de faire des propositions de réponse concrètes pour la réalisation de cette épreuve ».

Dans un tel dispositif, le Centre de recherche berbère, en dépit de sa reconnaissance internationale, se verra cantonné, dans le meilleur des cas, à un rôle subalterne de correcteur des copies d’examen. Ce qu’il a refusé en se désengageant du dossier.

Ce mélange des genres amène à croire que la France subventionne l’improvisation s’agissant de l’enseignement du berbère. A cet égard, les critères ayant dicté la désignation du nouveau chargé de mission sont pour le moins inadaptés aux exigences requises pour l’accomplissement de ses fonctions. Un document de la Présidence de la République précise explicitement que c’est en sa qualité de « locuteur berbère reconnu » que le chargé de mission a été nommé, ce qui sous-entend qu’il ne l’a pas été en raison de compétences spécifiques dans les matières touchant au domaine berbère.

La neutralité et la compétence incarnées par le professeur Salem Chaker ne peuvent qu’être regrettées.

Aussi, la décision prise au sommet de l’État d’organiser dans ces conditions l’enseignement du berbère en France est tout à fait symptomatique du mépris qu’entretient la République à l’endroit de la communauté berbère. Elle tourne le dos aux espoirs qu’avait suscité la reconnaissance du berbère comme « langue de France », statut qui suppose un traitement similaire à celui dont bénéficient les langues régionales. Certainement est-ce là le prix à payer pour ne pas contrarier les intérêts algériens ?

Il ne reste pas moins que si les Berbères considèrent que la reconnaissance honorable de leur langue par les autorités françaises est légitime, seule leur mobilisation et leur implication sont de nature à changer les choses.




Le Bureau de Tamazgha,
Paris, le 17 janvier 2005

Messages

  • L’apprentissage (orale bien evidemment)de la langue berbère se fait de toute façon dans chaque foyer avec la famille.
    je suis persuadé que de toutes les manières, avec le temps, la République Française finira par comprendre la nécessité de mettre en place un système permettant l’enseignement du berbère en France.
    Etant donnée la population berbère présente sur notre territoire, je pense que cela se fera automatiquement, d’abord au travers d’associations qui vont se créer et ensuite de façon plus organisée. Bien entendu, cela passe par la prise de conscience de chacun et par la mobilisation de tous.
    En conclusions, Ne baissons pas les bras et surtout, Ne dormons pas sur nos loriers !
    un berbère du RIF

    Voir en ligne : Enseigement du berbere en France

    • La langue se transmet surtout oralement par la mére à l’enfant...
      Ce qui facilte l’apprentissage de l’écriture berbere et de découvrir les différentes langues dialectales de la langue berbere,rif,souss,chleuh,kabyles...

      C’est pourquoi il est important que chaque mére puisse la transmettre ...comme elles l’ont fait depuis des siécles.