Accueil > Dossiers et documents > Mohya > Hommages à Mohya > Décès de Mohya et recueillement à Tizi-Ouzou
Hommage à Mohya
Décès de Mohya et recueillement à Tizi-Ouzou
La reconnaissance posthume d’un talent
dimanche 19 décembre 2004, par
Tizi-Ouzou, le 17 décembre 2004.
Mohya a eu droit à un recueillement populaire des siens qui contraste avec le personnage bosseur dans son coin qu’il était de son vivant. Ils sont venus par centaines ce lundi matin à la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-ouzou pour jeter un dernier regard sur l’artiste, l’auteur de théâtre de langue kabyle qui a su le plus traduire, dans un répertoire unique, les contradictions, les frustrations mais surtout les faiblesses de sa communauté d’ici et d’ailleurs. Point de couleurs ni de slogans inutiles dans l’ambiance de ce jour. Digne et sobre. Certains, sûrement beaucoup, parmi ces gens au rendez-vous funéraire ont "vu" Mohya pour la première fois de leur vie ; au moment où, lui, il venait de perdre la sienne. L’exil a privé de contact direct l’homme et ses sujets littéraires lesquels à leur tour sont gratifiés, malgré l’éloignement, d’œuvres universelles qui reprennent les détails les moins visibles de leur train train quotidien. Vieux, jeunes, militants, anonymes,... ils étaient nombreux. Chacun attendait son tour de visite ultime ; à le saluer en silence, certainement avec une immense peine contenue, sous un soleil des plus doux, l’un des rares réconforts gratuits dans une Algérie grisonnante d’arbitraire et d’injustice à la sauce d’impunité.
A-t-il quelque chose à avoir avec ses derniers visiteurs, sa génération, son peuple. A-t-on tenté d’interroger le néant. Oui et non. Tout et rien. Autres errements. Mohya n’aimerait pas qu’on pose ce genre de questions. Au lieu de se perdre en questionnements, lui qui aurait gagné ce temps à travailler. Alors passons et laissons-le prendre sa retraite méritée. Etant toujours vivant, on aurait profité davantage de son génie sou poudré naïvement de situations de campagnards et qui subtilement viole allégrement toutes les frontières des mentalités feintes et "socialement correcte" et des préjugés biens assis sur leur arbitraire de l’Algérie de la cohue des pseudo-militants de la démocratie, de la République. La mort fane et tous les morts se ressemblent, se consoleront ces maudits politiques de la police politique d’ici et d’outre mer. Ce jour, beaucoup des siens sont venus et ont accroché un tissu noir de deuil au-dessus du drapeau algérien. Dehors, sous le préau on échange à petite voix des souvenirs de rencontres, d’anecdotes pressées de sourire non pour détendre l’atmosphère qui tord les boyaux mais une façon dégagée de rendre hommage à celui qui nous a tout le temps fait pouffer en parlant de lui dans des circonstances réservées au recueillement. Dans le hall, des enceintes d’une sonorisation sortent les exclamations, les jurons et les répliques déroutantes de Sifuni, de Lalam-Gillette et de Sinistri, l’une des adaptations magiques de Mohya. Une petite exposition de quelques articles de presse, de l’interview à la revue clandestine Tafsut (n° 10, 1985), des poèmes et de quelques photos de l’adaptateur devant lesquels les nombreux visiteurs s’attardent. Une rareté qui renseigne sur le mépris sélectif porté par les intellectuels de cérémonies sur les génies littéraires mais aussi le caractère marginal du rebelle absent de sous les projecteurs de l’actualité.
Des militants du MCB ont refait leur apparition à cette occasion, des chanteurs dont quelques uns ont puisé dans les textes de Muhend U Yehya (autre nom de Mohya), ses compères d’enfance et d’adolescence passées à Iεezz’ugen (Azazga), des amis ou proches des anciens cercles des luttes démocratiques, des délégués du Mouvement citoyen de Kabylie, un groupe de jeunes de T’kout (Aurès) et des centaines d’anonymes ont marqué leur présence aux cotés de la famille de Mohya.
Lakhdar Siad
Journaliste (Kabylie).
Tous nos remerciements à Mohamed Haouchine qui a bien voulu mettre à la disposition de Tamazgha.fr les photos ci-dessus.