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Akal rend hommage à Lounès Matoub
Communiqué
mercredi 3 juillet 2019, par
Le parti amazigh "Akal" de Tunisie rend hommage à Lounès Matoub par un communiqué publié le28 juin 2019 que nous publions dans son intégralité.
A l’honneur de Lounès Matoub
Matoub Lounès, né le 26 janvier 1956, issu d’une famille amazighe au village de Tawrirt Moussa, en Kabylie. Il a vécu la période de « l’indépendance » avec beaucoup d’observation et de critique, depuis son enfance, une période qui était pleine de changements et bouleversements politiques et révolutionnaires. En effet, en septembre 1962 il y a eu un coup d’Etat organisé par le groupe militaire d’Oujda et celui basé en Tunisie (armées des frontières). Appuyés par le régime pan-arabiste de Djamel Abdennasser en Egypte, ces armées sont entrées à Alger et ont bouleversé le gouvernement civil dirigé par Ben Khedda. Cela a poussé un groupe de leaders de la révolution qui sont d’origine amazighe, comme Hocine Aït Ahmed, et qui croient à un Etat démocratique et civil à déclarer la révolte armée contre le régime panarabiste militaire. C’est au milieu de ces changements que Matoub Lounès à développer une conscience révolutionnaire, rebelle et politique de la cause amazighe. C’est là également qu’il avait commencé à mener une réflexion sur la justice sociale et l’arabisation et l’islamisation de la société algérienne.
Le régime algérien s’est livré à une répression et une humiliation sans précédent en Kabylie. Les principaux leaders de la révolte ont été emprisonnés, et là commence une nouvelle ère où les Amazighs sont traités comme des citoyens de deuxième zone. Le régime est allé jusqu’à interdire l’usage de la langue amazighe dans les établissements publics, et il a opprimé toute demande de valorisation de la culture amazighe.
Si l’on se place dans le contexte géopolitique de l’époque (années 60), il faut rappeler que le régime égyptien était inquiété par la propagation de l’idéologie des Frères musulmans, notamment par leur infiltration dans le secteur de l’éducation publique, et pour s’en débarrasser sans susciter un conflit politique, Abdennasser, alors le président de l’Egypte, a signé avec le régime algérien une convention par laquelle il était convenu d’envoyer des enseignants Egyptiens pour faciliter et accélérer le projet d’arabisation en l’Algérie (sachant qu’après l’indépendance de l’Algérie, 85% des Algériens parlaient tamazight ou français), une compagne qui va toucher de plein fouet la Kabylie. Ce phénomène a fait le lit de l’islamisme politique en Algérie qui a conduit à la décennie noire des années 1990.
Matoub a quitté tôt l’école comme signe de protestation au système éducatif du régime du parti unique en Algérie. Lors de son dernier jour au lycée, il est passé au tableau et il a écrit une phrase en tamazight avec des lettres Tifinagh et il a demandé à son professeur de la lire. Ce dernier, enseignant égyptien, n’avait, bien entendu, pas compris. Lounès Matoub lui dit alors : quand tu serais capable de lire ma langue, de lire sur ma culture et de la respecter, je reviendrai à l’école. Il a quitté l’école pour se dédier à sa première passion : la musique et la guitare. En effet, à l’âge de neuf ans, Lounès Matoub avait fabriqué sa première guitare à partir d’un bidon d’huile. Lounès Matoub se construit artistiquement avec l’influence presque évidente de Dahmane El Harrachi, figure incontournable du chaâbi (compositeur du fameux Ya Rayeḥ, popularisé par Rachid Taha). En 1978, Matoub débarque à Paris et se produit rapidement dans des cafés fréquentés par la communauté kabyle. Pris sous son aile par Idir, il enregistre la même année son premier album. Le succès est immédiat puisqu’en 1980, le chanteur se produit à l’Olympia. En plein printemps berbère, le porte-parole de tout un peuple arrive habillé d’une tenue militaire pour afficher son soutien aux manifestants. En retournant en Algérie il fait son premier concert public en coïncidence avec le mouvement du Printemps Amazigh en avril 1980. Ces manifestations qui se sont déclarées après l’interdiction du régime panarabiste algérien d’une conférence sur « la poésie kabyle ancienne » à l’université de Tizi-Ouzou. Lounès Matoub se met directement à “clasher” le régime avec des chansons de musique populaire très proche des âmes de la population, chantant aussi sur l’amour, les valeurs humaines de la liberté et de la résistance civile. Le régime a répondu avec une grande propagande médiatique contre lui, en essayant de dévaloriser ses idées en orientant le peuple sur des dogmes sur l’éthique, publiant ses photos dans des bars en affirmant qu’il n’est pas musulman. Cet acharnement de l’Etat algérien n’a pas empêché Lounès Matoub de poursuivre son combat et sa résistance artistiques et civils. Cela l’a même encouragé à critiquer davantage le régime et son idéologie, il a même parodié l’hymne national avec des paroles critiques à l’endroit du régime. Cette fois-ci semble avoir décidé à mettre fin aux jours de Lounès Matoub : le 25 juin 1998, Lounès tombe est pris dans un guet-apens près de son village où il est assassiné en plein jour.
Vingt ans après cet odieux assassinat, le régime algérien ne fait que confirmer sa haine à l’égard des Kabyles : la répression au quotidien et les attaques visant les libertés individuelles et collectives dans les milieux des activistes kabyles en est l’illustration. La multiplication des discours haineux et racistes envers des personnalités kabyles et la Kabylie de manière générale qui n’inquiètent pas outre mesure et qui restent impunis donnent une idée de l’attitude des institutions de l’Etat algérien envers la Kabylie. Et la gestion faite de l’affaire de l’assassinat de l’idole des jeunes kabyles, de celui qui disait plus haut ce que les Kabyles pensaient plus bas, ne fait que "légitimer" le caractère criminel de ce régime. L’Etat algérien a usé de tout son pouvoir pour empêcher l’émergence de toute vérité à ce sujet. Par ailleurs, peut-on, objectivement, accuser aujourd’hui autres que l’État algérien ? Le terrorisme était un procédé si cher aux tenants de ce régime. Avant même l’existence de l’État, pendant la guerre qui opposait le FLN à la France, le FLN usait du terrorisme notamment à l’égard de militants favorables à la question amazighe, même lorsque ces derniers étaient militants du FLN et nationalistes algériens. Combien de militants qualifiés de "berbéristes" ont été exécutés par le FLN ? Après la naissance de cet État, est-il nécessaire de rappeler que l’armée algérienne a débarqué en Kabylie où elle a torturé, exécuté, violé… ? Par la suite, le terrorisme a pris d’autres formes, la liquidation physique des porteurs d’espoir pour la cause berbère a suivi, puis les gros moyens ont été dépêchés : "le terrorisme islamiste" comme déguisement à tout crime... Et en 2001 qui a tué plus de 130 Kabyles ? Ce sont bien les gendarmes et militaires algériens. Pendant les manifestations qui ont suivi l’assassinat de Lounes Matoub, qui a assassiné les trois jeunes manifestants : Redouane Salhi, Rachid Aït-Idir et Ouali Hamza ? Ce sont bien les gendarmes et autres supplétifs du régime algérien. Mais qui a tiré une rafale de cinq balles sur le même Matoub Lounès dix ans plus tôt, le 9 octobre 1988, près de Michelet ? C’était bien un gendarme algérien de la brigade de Michelet. Le caractère criminel de régime algérien est ainsi incontestable. Il s’est illustré à travers son histoire, qui remonte à 1962, par tous les crimes politiques dont il s’est rendu responsable. On le sait, il a toujours pratiqué une politique anti-amazighe particulièrement anti-kabyle. Cela est une évidence admise de tous et qui est devenue quelque chose de « normale » pour reprendre l’incontournable expression.
Le Mouvement amazigh Akal en Tunisie a choisi de traduire l’âme des valeurs de Lounès Matoub en Parti politique qui rêve de voir une Tamazgha libre pour un peuple libre, pour une contribution efficace dans la création de l’Histoire humaine en Paix.
Le 28 juin 2019.
Le parti Akal