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Le Pacte des Fennecs

Entretien imaginaire avec Boutef, réalisé par Insi.

jeudi 8 novembre 2012, par Masin

Insi a rendu visite à Bouteflika qu’il trouve, encore une fois, allongé sur son lit lui servant de bureau. A côté de lui, Khalida Toumi, en blouse blanche, lui masse les pieds avec l’huile d’olive de Kabylie. Avant d’entrer dans le bureau-lit du président, Insi croise dans l’antichambre Ahmed Ouyahia attaché à un tabouret. Il était dans un état piteux : vêtements sales et le visage mal rasé. Ce dernier, en voyant Insi arriver, vient vers lui, il le supplie en gémissant et en remuant la queue. Puis, il le sollicite pour demander au président de le recevoir. Bouteflika invite Insi à s’asseoir à côté de lui, et lui accorde l’entretien que voici.



Insi : Toujours vivant ?

Bouteflika : Grâce au régime, je suis toujours là ! Dieu merci !

Insi : Ton ami Ouyahia est dans l’antichambre, il te supplie de le recevoir.

Bouteflika : Boby ?

Insi : Qui ?

Bouteflika : Ce n’est rien, il vient chercher son os. C’était un brave chien de chasse. Il te renifle un Kabyle révolutionnaire à cent mètres à la ronde. Il a attrapé beaucoup de militants en Kabylie. Mais maintenant, avec l’âge, sa vue a malheureusement baissé.

Insi : Pourtant, il a toujours ses lunettes.

Bouteflika : Un chien à lunettes, tu ne trouves pas cela bizarre ?

Insi : Apparemment il a besoin d’un coup de main.

Bouteflika : Il veut plutôt un coup de pied. Il en raffole. Mais moi je ne peux me lever, de plus je ne veux pas satisfaire sa libido de masochiste.

Insi : T’as peur qu’il s’ y attache ?

Bouteflika : Il est déjà attaché. Passons. Parlons plutôt des choses intéressantes.

Insi : Es-tu content d’aller en guerre ?

Bouteflika : Ah oui ! Bientôt j’installerai mon lit de camp dans le Nord du Mali. Je n’attends que les ordres de mon ami François Hollande. Il y a beaucoup de Touaregs dans la région, et Hollande tarde à sonner l’ouverture de la chasse. Ça va être un véritable safari.

Insi : La guerre, ce n’est pas plutôt pour chasser les islamistes de l’Azawad ?

Bouteflika : Tu crois à ça, toi, moi qui te croyais plus politisé ? Les Islamistes, ou plutôt mes Islamistes, sont déjà à l’abri, chez moi. La guerre est contre les Touaregs : ceux qui refusent la grande démocratie malienne et ma Chariâa humaniste de la concorde civile. Ça va être un vrai délice. D’ailleurs, Hollande a dit : "Tuez les tous, Allah reconnaîtra les siens."

Insi : As-tu vraiment le courage de tuer d’autres Africains comme toi ?

Bouteflika : Nous ne tuerons pas des Africains, mais des Berbères.

Insi : Ainsi tu acceptes de t’allier avec l’ancienne puissance coloniale pour combattre tes frères ?

Bouteflika : Tu sais, les ordres viennent de Paris. Moi je n’ y peux rien.

Insi : Même après le bras d’honneur de Monsieur Longuet ?

Bouteflika : Tout cela est dans les plans. Moi, je leur demande repentance pour rassembler les Algériens, et lui me fait un bras d’honneur pour rassembler les siens. Du folklore pour tromper nos peuples respectifs.

Insi : Et pourtant tu dis que t’as fait la guerre contre eux.

Bouteflika : Encore une fois, tu ne comprends rien à rien. Je n’ai pas fait la guerre contre eux, je l’ai faite avec eux contre les Kabyles et les Chaouis. Écoute-moi, je vais te dire comment les choses se sont passées. Avant, l’Algérie était française. Puis, d’ingrats Kabyles, sortis de l’Ecole française, férus de justice et animés de sentiments anticolonialistes ont créé lEtoile Nord Africaine. Les services français, faute de pouvoir corrompre ces fameux dirigeants kabyles, ils les ont noyautés avec des éléments arabo-islamistes. Les dirigeants kabyles, soucieux de nous avoir avec eux, tellement contents, comme plus tard Aït Ahmed et Saïd Saïd lorsqu’ils enrôlent un arabo-islamiste dans leurs partis, ils ont changé leur stratégie. Au lieu de lutter pour l’indépendance, la vraie, la démocratie et un État de droit, nous avons détourné, avec l’aide des services secrets français, leurs objectifs vers l’Islam et l’Arabité. Rêve, comme tu le sais, de Napoléon III.

Insi : Et ensuite ?

Bouteflika : La France voulait arabiser et ré-islamiser l’Algérie et nous l’avons aidée. Nous avons donc imposé aux dirigeants kabyles et chaouis l’Algérie arabe et islamique, et le tour est joué. On a fait croire aux Berbères que nous sommes des frères, que nous sommes tous des Arabes et des Musulmans, et ces imbéciles nous ont cru. Ils voulaient tellement nous avoir à leurs côtés qu’ils sont allés, dans leur excès de zèle, jusqu’à massacrer les militants berbéristes. Puis à l’indépendance du FLN, la France nous a mis au pouvoir. Ainsi, nous sommes devenus leurs alliés, et les Berbères, je veux dire les Kabyles et les Chaouis, comme des cons, se sont retrouvés sur la touche, dominés par nous et boudés par la France. Politiquement, les Kabyles sont nuls. Les pauvres, on les a bien bernés.

Insi : Ont-ils changé depuis ?

Bouteflika : Non, ils versent toujours dans les mêmes conneries. Dès qu’on introduit un arabo-islamiste dans leurs partis, ils lui cèdent tout. Ils veulent tellement renverser notre régime qu’ils sont prêts même à renier leur langue, leur culture et leur identité. Dès qu’ils voient un arabo-islamiste parmi eux, ils se retournent contre leurs frères berbéristes, leurs compagnons de lutte, qu’ils traitent d’extrémistes et de fascistes comme en 1948 durant la crise berbériste. Qu’est-ce qu’on rigole avec nos amis français !

Insi : Ainsi, vous étiez du côté de la France durant la guerre ?

Bouteflika : Il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. Nous avons tué Abane, Amirouche, Elhouas, Ben Mhidi, Krim,... enfin tous les dirigeants berbères qui voulaient l’indépendance. Nous avons mis comme symbole de lutte notre ancêtre l’Émir Abedelkader, ami de la France, comme tu le sais. Que veulent de plus les Kabyles et les Chaouis pour comprendre l’astuce ? De plus, n’avons-nous pas perpétué le système coloniale ? Ils sont bêtes ces Berbères. De véritables abrutis. Voilà pourquoi nous demandons de temps à autre repentance à nos amis français. Cela fait plaisir aux Berbères : une bonne façon de les rattacher à nous. En même temps c’est normal, ceux sont eux qui ont souffert de la guerre. Nous, nous étions en Tunisie, tranquilles, nourris par notre ami Nasser. Puis à l’indépendance du FLN, nous sommes rentrés sous-escorte française pour prendre le pouvoir que De Gaulle a eu la gentillesse de nous céder. Les dirigeants berbères n’en revenaient pas. Les pauvres, quand j’y pense.

Insi : Effectivement !

Bouteflika : Même Ben Bella les a eu en 1963. Un faux petit conflit sur les frontières marocaines et c’en est fini de la révolte kabyle. Les Kabyles sont de véritables nationalistes algériens. Dès que tu leur montre l’ennemi extérieur, ils oublient tout. Même aujourd’hui, il ne suffit que de leur montrer à la télé la photographie d’Amirouche, d’Abane ou de Krim, ils se mettent en extase. Tu peux les envoyer à l’abattoir comme des moutons. Avec nos amis français on en rigole souvent. Les pauvres ! Ils pensent que la France les aime parce qu’ils se disent démocrates et laïcs. En vérité, la France leur préfère de loin les Arabes. N’est-ce pas pour la culture de ces derniers qu’elle a consacré un Institut, en plein Paris, s’il te plait, la ville des lumières ?

Insi : Pas mal joué ! Chapeau les Artistes !

Bouteflika : Tu peux le dire. Maintenant nous allons les fanatiser. Il y a de la matière à explosion en Kabylie. Ils feront mouche en Occident, comme leur ancêtre Si Tarik.

Insi : Ben, je ne te remercie jamais assez, monsieur le Président.

Bouteflika : De rien. Je ne te dis pas ces vérités pour réveiller les Kabyles. Bien au contraire. Et comme ils ne m’apprécient pas, ils ne me croiront jamais. Ils préfèrent croire encore leurs renégats de politiques qui me les vendent à chaque élection. Une vraie catastrophe

Insi : Si tu le dis.

Bouteflika : Tu le veux par écrit ?

Insi : Non, c’est bon !

Bouteflika : Nous avons beaucoup d’alliés en Kabylie et ils sont plus arabo-islamistes que nous.

Insi : Il y a aussi des Autonomistes !

Bouteflika : Ils sont fébriles. Dès que tu les traite de séparatistes, ils se mettent à défendre l’Algérie becs et ongles comme de véritables faucons. Je ne m’inquiète pas du tout de l’issue du match, la Kabylie sera bientôt Islamiste inchallah !

Insi : Où en es-tu avec la grande mosquée ?

Bouteflika : Ça sera la consécration de mon phallus, après celui de Chadli à Maqam chahid. Moi qui ne suis même pas marié, je vous laisserai mon zeb anti-sismique pour l’éternité... à sucer sans modération.

Insi : T’es vraiment balaise en politique algérienne !

Bouteflika : Pas du tout, ce sont les autres qui sont nuls. Maintenant si tu permets, c’est le moment de donner un coup de pied à Boby, il a beaucoup attendu le pauvre. Il fait un signe à l’un de ses serviteurs : "Faites entrer elkelb."


Insi, ne voulant pas assister à la scène, quitte la présidence en voyant Ouyahia, content, la queue en l’air, entrer dans le bureau-lit de Bouteflka pour recevoir le coup de pied pointu quotidien dans son anus lubrifié au pétrole de l’Azawad.

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