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Arguineguín, un patrimoine à défendre.

Entretien avec Luis Falcón.

mardi 22 juin 2021, par Masin

Le Gouvernement local insulaire « Cabildo » de Tamaran (Gran Canaria), l’une des plus importantes, démographiquement notamment, îles de l’Archipel canarien, projette de construire une centrale hydroélectrique entre deux barrages ; Chira et Soria, en transférant l’eau de l’un à l’autre. C’est au sein du ravin d’Arguineguín [1] (Barranco de Arguineguín) que le Gouvernement insulaire compte réaliser ce projet. Il s’agit d’un espace naturel d’une beauté extraordinaire qui comprend cinq zones naturelles protégées où se pratique la pêche et l’agriculture, on y trouve également des un riche patrimoine archéologique à valeur ethnographique. L’endroit recèle de nombreuses espèces de faune et de flore protégées, une énorme biodiversité dans laquelle elles coexistent en harmonie avec la population locale.

Mais voilà que le Gouvernement insulaire, avec son projet, envisage de détruire une partie de la réserve naturelle, de la biosphère de la mer au sommet avec des déversements de saumure, perçant les montagnes du ravin et marquant le paysage avec d’énormes tours et lignes électriques.

Le projet vise à capter l’eau de mer, à l’amener à plus de 2 km jusqu’à l’usine de dessalement, à verser la saumure et à conduire l’eau dessalée jusqu’au barrage de Soria, situé à 20 km et à 600 mètres d’altitude. Cinq millions de mètres cubes sont nécessaires au fonctionnement de l’usine puis plus d’un million de mètres cubes doivent être dessalés et pompés chaque année pour remplacer l’eau qui s’évapore et filtre.

Pour comprendre un peu plus la situation, nous avons posé des questions à Luis Falcón, militants amazigh de Taknara, ancien Président de l’Association AZAR de Las Palmas.



Tamazgha.fr : Le samedi 22 mai 2021, plusieurs Canariens sont descendus dans la rue à Las-Palmas, à tamaran (Gran canaria), à l’appel de la « Plate-forme Salvar Chira-Soria » pour dénoncer l’initiative d’El Cabildo (gouvernement insulaire local de Gran Canaria) de lancer un projet de construction d’une centrale hydraulique. Pourrais-tu nous en dire plus à ce sujet ?

Luis Falcón : La population des Îles Canaries en a beaucoup marre de la classe politique, des hommes d’affaires et autres acteurs qui détruisent notre paysage, notre environnement naturel pour le business des multinationales et leur propre enrichissement. De nombreux projets de destruction ont été paralysés par la pression et la mobilisation de la population et nous comptons également mettre un coup d’arrêt à ce projet.

Il semblerait que ce projet menacerait le ravin d’Arguineguín. Comment ?
La population verra le Barranco d’Arguineguín se transformer en enfer et sa santé gravement altérée par certains travaux :

- 4000 kg d’explosifs.
- Un million de mètres cubes de gravats.
- Poussière en suspension, bruit, vibrations.
- 17 kilomètres de lignes à haute tension aériennes.
- Les récoltes et les ressources halieutiques seront ruinées.

L’usine de dessalement est alimentée en combustible fossile, une nouvelle route sera construite pour transporter les matériaux à travers les zones vierges du Barranco et quelque 30 kilomètres de conduites vont déverser la saumure dans la mer.

Le gouvernement local compte céder à l’entreprise de construction, la multinationale Red Eléctrica Española, la concession pour cinquante ans.

Quel est l’intérêt d’El Cabildo de soutenir un tel projet ?
Il compte tout simplement produire de l’énergie bon marché et fournir de l’eau aux cultures. Mais à quel prix ? Des secrets indicibles ?

Que représente pour vous le ravin d’Arguineguín et d’autres ravins d’ailleurs aussi bien à Tamaran qu’au sein des autres îles de Taknara ?
El Barranco de Arguineguín représente notre patrimoine. Et la production de cette énergie ne sera pas propre et détruira le paysage, l’environnement naturel, l’ethnographie, le patrimoine archéologique, les moyens de subsistance des populations locales.

La même chose s’est produite dans d’autres endroits de Tamaran-Gran Canaria et dans toutes les îles de Taknara.

La manifestation du 22 mai a-t-elle eu des répercussions ?
De nombreuses personnes sont conscientes de ce problème et expriment leur rejet du Projet. Chaque jour plus de personnes, associations, scientifiques, s’engagent pour s’opposer à ce projet destructeur de la nature et de notre patrimoine.

Un dernier mot…
La nature doit être protégée, nous ne pouvons pas continuer à la maltraiter. Pas un mètre carré de plus des îles Canaries, de notre planète ne doit être détruit.

Propos recueillis par
Masin Ferkal.






[1« Arguineguín » est un toponyme amazigh