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Atteinte à la mémoire de Lounès Matoub : mobilisation à Paris

Réunion le samedi 10 novembre 2018 à 18h30.

samedi 3 novembre 2018, par Masin

Suite à la déclaration "La mémoire de Lounès Matoub appartient au peuple kabyle et amazigh !", rendue publique le 19 septembre 2018, une vingtaine de militants se sont réuni(e)s le samedi 29 septembre 2018 à Paris pour discuter de la question de l’instrumentalisation de la mémoire de Lounès Matoub par l’Etat algérien. Le but étant d’envisager des actions visant à dénoncer l’attitude de l’Etat algérien mais aussi, et surtout, mener une réflexion sur des initiatives à même d’assurer la protection de cette mémoire qui appartient à l’ensemble des Kabyles et des Amazighs.


Lounès Matoub a mené un combat clair sans aucune ambiguïté. Si la lutte pour l’Amazighité et la liberté représente la colonne vertébrale de son combat, il n’a jamais lésiné sur les moyens, aussi bien sur la scène artistique que dans sa vie de tous les jours, à combattre les tenants de l’idéologie arabo-musulmane qui ont programmé l’éradication de l’Amazighité. Et l’Etat algérien en fait partie ; il est même l’un des principaux porteurs de cette idéologie meurtrière. Cet Etat d’essence anti-amazigh, a failli tuer Lounès en 1988, il a tué plus de 130 Kabyles en 2001, trois jeunes Kabyles ont été tués en 1998 lors des manifestations qui ont suivi l’assassinat de Lounès Matoub. Et cet Etat a, sans doute, assassiné Lounès le 25 juin 1998. En tous cas, cet Etat n’a jamais fait quoi que ce soit pour prouver son innocence alors que des centaines de milliers de citoyens sont sortis dans les rues en Kabylie pour l’accuser de cet assassinat.
Aujour’hui, ces mêmes assassins prétendent vouloir rendre hommage à Lounès Matoub et veulent lui dédier un musée à Taourit Moussa, son village natal en Kabylie.
L’Etat algérien souhaite-t-il se disculper de l’assassinat de Lounès Matoub par ce musée ? Tente-t-il de tourner la page de l’assassinat ? Voudrait-t-il tout simplement récupérer la mémoire de Lounès Matoub pour l’enterrer définitivement et par la même pervertir son combat ? Peut-être, aussi, tout ça à la fois...
Toujours est-il, et malgré l’action des supplétifs kabyles qui essayent de faciliter l’action de l’Etat algérien, des Kabyles et des Amazighs ont décidé de rompre avec le silence et refusent de cautionner une telle atteinte à la dignité amazighe. Ils dénoncent les tentatives d’instrumentalisation de l’Etat algérien et comptent se mobiliser pour défendre la mémoire de Lounès Matoub et à combattre ceux-là qui pensent pouvoir la souiller et pervertir son combat.
C’est dans le prolongement de ces initiatives qu’une réunion aura lieu à Paris le samedi 10 novembre 2018 à 18h30. Cette réunion est ouverte à toutes celles et à tous ceux qui se reconnaissent dans cette nécessité d’agir pour contrer les attaques répétées de l’Etat algérien qui visent la Kabylie.

Ci-après la déclaration appel de Paris, rendue publique le 20 octobre 2018.
La Rédaction.


Lounès Matoub, la mémoire bafouée !

DECLARATION – APPEL

Je vais dire, mais je veux vivre aussi !” déclara Matoub, lors de son dernier Zénith à Paris en 1998. Nous refusons de croire que vivre pour Matoub voulait dire : se voir octroyer honteusement un musée par ceux-là même qui l’ont mitraillé, dénigré et assassiné.

Lounès Matoub a lutté pour la liberté de son peuple, la reconnaissance de sa langue, la promotion de sa culture et le respect de la vie humaine. Son espoir de voir son peuple libre, s’étendait naturellement à l’ensemble de Tamazgha. Ses idées ont indiscutablement une vocation universelle. Son combat est le nôtre. Sa conviction nous anime toutes et tous. Continuer à ouvrir ce chemin de liberté est pour nous “le testament de Lounès Matoub” dont nous revendiquons légitimement l’héritage.

Notre volonté à perpétuer sa mémoire et à transmettre son message de paix et de liberté est un fondement solide. N’est-ce pas lui qui disait : “Il faut véhiculer la mémoire, il faut la véhiculer positivement...”

Le combat du barde de la chanson engagée n’est pas un combat orphelin, Lounès a puisé son éveil identitaire dans les sacrifices de ses aînés, à l’instar de Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Masin U’Haṛun.

C’est conscients de la noblesse et la justesse de l’engagement de Matoub Lounès, à travers sa poésie tranchante et transcendante, mais aussi à travers son implication militante, que nous considérons, sans équivoque, que notre rôle principal réside dans notre capacité à poursuivre ce combat pacifique avec dignité et sérieux.

Continuer à se soulever contre la dictature, soutenir les militants des droits de l’Homme, rester unis et convergents lorsque nos langue et culture ainsi que la mémoire de nos symboles sont menacées est sans doute la meilleure manière d’honorer Lounès Matoub et, à travers lui, les femmes et les hommes victimes de la barbarie étatique.

Le seul musée qui mérite d’être édifié, c’est un musée de l’honneur et de la dignité, c’est un musée qui doit être conforme aux idéaux que Lounès défendait. Sûrement pas un musée financé par ceux-là même qui ont essayé de bâillonner sa voix de liberté.

Matoub a été liquidé sauvagement par “le pouvoir assassin” pour reprendre la formule du peuple kabyle. On ne peut pas accuser et blanchir les mêmes personnes à la fois. Cela, relèverait de l’inconscience, voire de la schizophrénie. La capacité de nuire de ces monstres ne doit pas l’emporter sur la grandeur d’un homme qui aimait tant la vie, mais qui a placé le devoir de mener une mission noble au-dessus de son propre confort.

Le sens du confort ne doit pas l’emporter sur le sens de l’honneur. Perpétuer le combat des justes doit se répandre massivement sur la surface instable de l’oubli et de l’indifférence qui, à terme, effaceront la mémoire individuelle et collective.

“C’est parce que nous avons le sens très précis de l’honneur, du courage et de la vertu”, pour reprendre une formule de l’illustre Mouloud Feraoun, que nous appelons l’ensemble des Kabyles, des Amazighs et toutes les forces vives, à se joindre à notre voix pour dire tout simplement : nous refusons que la demeure de Matoub soit profanée par un projet qui viserait à isoler le rebelle des siens, un projet qui viendrait souiller sa mémoire et, finalement, une démarche qui va à l’encontre de l’homme digne, du poète courageux et du militant incorruptible.

Accepter l’édification d’un musée qui, de surcroit, inclurait sa demeure, par un financement venant de criminels, c’est accepter que le pouvoir criminel prenne la place de la victime et que le peuple devienne assassin.

Identifions-nous à cet adage de nos aïeux : “axiṛ ajellab n tmurt-iw wal’axelxal abeṛṛani”.

Lors de la réunion qui a eu lieu à Paris le 29 septembre 2018, il a été suggéré l’organisation d’un rassemblement à Paris pour dénoncer les tentatives d’instrumentalisation de la mémoire de Lounès Matoub par l’Etat algérien et exprimer notre rejet de la mascarade de musée annoncé par les autorités algériennes. Pour la concrétisation de cette action, il est fait appel à l’ensemble des acteurs concernés, notamment celles et ceux qui résident en région parisienne, de se joindre à nous afin d’en débattre et définir collectivement les modalités d’organisation de cette action. C’est l’occasion également de débattre de la question de la mémoire de Lounès Matoub de manière générale.

Nous invitons l’ensemble des acteurs amazighs (militants, artistes, responsables associatifs,…) à la réunion qui aura lieu le samedi 10 novembre 2018 à 18h30 à l’adresse suivante :

12, rue Moulin des Lapins – 75014 Paris Métro : Pernéty (Ligne 13)




Paris, le 20 octobre 2018.

Signer la déclaration "La mémoire de Lounès Matoub appartient au peuple kabyle et amazigh !"