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Avenir de la Kabylie
"Aucun groupe humain ne peut survivre s’il n’a pas d’abord la volonté d’exister pour lui-même, par lui-même"
lundi 18 août 2003, par
C’est ce que disait un message de Salem Chaker adressé aux participants à la conférence organisée par le MAK en Kabylie ce mardi 18 août.
Nous reproduisons ci-dessous l’intégralité du message qui nous a été communiqué par le Service communication du MAK.
Pour la première fois depuis 1871, la Kabylie est enfin en train de redevenir un acteur à part entière de la vie politique du pays et d’engager un combat pour ses propres valeurs, pour son existence et sa liberté. Nous ne récusons, ni ne renonçons à aucune des nos solidarités, celles qui nous ont liés, qui nous lient aux autres composantes de l’Algérie, celles qui nous lient aux autres Berbères d’Algérie et des autres pays de Tamazgha ; mais aucun groupe humain ne peut survivre s’il n’a pas d’abord la volonté d’exister pour lui-même, par lui-même. Les solidarités ne peuvent être efficaces et n’ont de sens qu’entre forces, qu’entre entités qui s’assument pleinement : Win ibghan ad yesbedd taddart, ad yezwir degg wexxam-is.
Il est sûr que le combat pour l’autonomie de la Kabylie sera long et difficile car il va à contre-courant de 75 ans d’histoire politique : pour ma part, je suis persuadé que l’autonomie est une idée admise et portée depuis longtemps par tous les Kabyles conscients de leur identité et des conditions minimum de sa survie. La tâche essentielle pour nous tous dans les années qui viennent sera de faire comprendre à nos élites, culturelles, intellectuelles, économiques et politiques, majoritairement engagées dans des jeux et enjeux prétendument nationaux, qu’elles travaillent en fait à la dilution de leur région, à la destruction de l’identité berbère, au profit d’une fiction nationale algérienne qui ne peut exister que sur la base de leur négation ou, au minimum, de leur folklorisation.
Convaincre aussi les autres Algériens que l’autonomie de la Kabylie n’est pas dirigée contre eux, ni contre l’Algérie ; qu’elle est seulement une forme juridique permettant à une région particulière de préserver son identité, son existence et de renégocier sur des bases égalitaire le contrat national. Qu’elle peut être aussi une avancée démocratique décisive, en contribuant à remettre en cause la toute puissance d’un Etat devenu la propriété d’un oligarchie hors de tout contrôle.
L’autonomie de la Kabylie sera la contribution des Kabyles à la construction d’une Algérie et d’une Afrique du Nord démocratiques, ce qui suppose une remise en cause profonde de la conception actuelle de l’Etat et de la Nation, héritée d’une tradition coloniale, autoritaire, centralisée, bureaucratique et stérilisante.
Salem Chaker,
Professeur de Berbère (Inalco - Paris).