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Maman Abou et les chaînes de l’injustice
Paru dans "Le Républicain" n° 601 du 24 décembre 2003.
vendredi 26 décembre 2003, par
L’une des chaînes de l’injustice qui retiennent Maman Abou à Say (55 km au sud-est de Niamey) vient d’être brisée, au grand bonheur de ses défenseurs (avocats, militants des droits de l’homme, journalistes, particuliers, société civile, opposition politique, peuple nigérien…). En effet, ce mardi 23 décembre, le verdict du procès en diffamation intenté à Maman Abou par Hama Amadou et son ancien ministre des Finances, A.B. Gamatié, est tombé : quatre (4) mois d’emprisonnement avec sursis et un million de dommages et intérêts pour chacun des deux plaignants ci-dessus. Ce qui signifie que Maman Abou est acquitté. Mais lui-même et ses avocats ont décidé de faire appel, car ce procès est, à tous égards, une preuve supplémentaire de l’acharnement insensé et inacceptable des plaignants et du système fasciste qu’ils ont instauré dans ce pays, contre Maman Abou et tous ceux qui essayent de jeter un coup d’œil critique dans leur mafieuse gestion des finances publiques.
La chaîne diffamation est donc brisée, même si les termes de cette rupture sont inacceptables. Et la forme du verdict, même si celui-ci favorise Maman Abou, rend compte aisément de l’intention qui anime ses bourreaux. Ils s’accrochent intensément à leur désir d’anéantir Maman Abou physiquement, psychologiquement, publiquement et financièrement. Et pour faire bonne presse aux yeux des millions de pauvres nigériens, ils réclament deux millions de francs à Maman Abou pour atténuer l’état de déliquescence dans lequel ils ont confiné l’hôpital national.
Mais les nigériens savent que ce n’est pas Maman Abou ou un citoyen quelconque qui doit soulager les souffrances de nombreux malades qui gisent dans les hôpitaux du pays. Ceux qui doivent le faire, ce sont bien Hama Amadou, Tandja et leur ministre des Finances. Ce sont eux qui gèrent l’argent du contribuable nigérien, c’est-à-dire de Maman Abou, et de tous les nigériens qui payent chaque jour des impôts et taxes aux régies financières de notre pays. C’est cet argent qui doit être donné à l’hôpital de Niamey et non celui d’un citoyen fut-il Maman Abou.
Maman Abou ne disposant pas des fonds politiques faramineux que se sont oc-troyés les hommes qui nous gouvernent. Il n’a jamais laper ni psoper les finances publiques. Celui qui n’a rien pris ni justement ni injustement ne doit rien.
Si Hama Amadou et Gamatié pensent qu’ils résoudront les problèmes de nos hôpitaux et du Niger en général, en grugeant des particuliers et en leur faisant supporter le poids de ces problèmes, ils se trompent dangereusement. Car le développe-ment d’un pays, si pauvre et arriéré soit-il, repose sur la loi des finances qui consacre
un profit de budget national et non sur « les dommages et intérêts » qu’on impose injustement à un citoyen.
L’autre chaîne qui prive Maman Abou de sa liberté, c’est celle de « complicité de vol et recel des documents confidentiels ». Cette absurdité politico-juridico-judiciaire apparaît grossière et intenable aux yeux de l’opinion publique nationale au point que les nombreux défenseurs et admirateurs de Maman Abou, au Palais de justice et dans la ville de Niamey, avaient cru que celui-ci allait recouvrer sa liberté. Beaucoup avaient cru à la lecture du délibéré du procès en diffamation, que Maman Abou était totalement libre.
Mais c’était sans compter avec l’acharnement politique qui est exercé sur lui par le régime actuel. La logique de cet acharnement est précise. Si une chaîne est rompue, une autre est immédiatement trouvée et mise au pied de Maman Abou.
Car Maman Abou est l’icône du combat que le peuple nigérien ne cesse de livrer aux forces obscures, qui entravent son éman-cipation. En l’enchainant, en l’incarcérant injustement et en le déportant loin des tribunaux où il comparaît, les animateurs du régime actuel, dont chacun connaît du reste l’état d’esprit rétrograde vis-à-vis de l’émancipation du pays, cherchent à déconstruire en lui ce symbolisme et ce pouvoir de légitimation de l’ordre démocratique dont il est l’une des figures emblématiques.
Il s’agit en définitive d’un combat de déligitimation, et donc d’un conflit des systèmes : l’ordre ancien, hérité de « l’état d’exception », des régimes militaro-fascistes contre l’ordre nouveau dont la conférence nationale souveraine est le ressort majeur. L’incarcéra-tion de Maman Abou est, au fond, une manœuvre de déconstruction symbolique de l’esprit de la conférence nationale souveraine.
Aghali Abdelkader
Le Républicain