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Langue berbère en France

Près de 2000 candidats à l’épreuve de berbère au baccalauréat français !

dimanche 6 avril 2003, par Administrateur

Le nombre de candidats à l’épreuve facultative de langue berbère au baccalauréat général et technologique en France ne cesse de progresser malgré toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les lycéennes et lycéens qui choisissent cette épreuve. Cette année, ce sont les candidats ayant choisi le texte en tachelhit qui sont arrivés en tête devant ceux ayant choisi taqbaylit suivis de ceux ayant choisi tarifit. Au Ministère de l’Education nationale, tout comme au gouvernement, l’on doit s’interroger quant à cette gestion arbitraire de la langue berbère qui plus que jamais apparaît comme une demande sociale indiscutable.

Une demande sociale réelle.

1941 lycéens en France ont planché sur l’épreuve facultative de langue berbère au baccalauréat le mercredi 26 mars. C’est pour la neuvième fois que cette épreuve est organisée, à l’écrit, par l’Education Nationale. En effet, en 1995 l’Education nationale a décidé que les épreuves de langues dites "rares", parmi lesquelles figure le berbère, se dérouleront désormais à l’écrit ; jusque là les candidats subissaient une épreuve orale.

Sur les 1941 candidats, 788 se sont inscrit pour tachelhit (le chleuh), 696 pour taqbaylit (le kabyle) et 457 pour tarifit (le rifain). Cette année on remarque une nette progression des candidats qui choisissent tachelhit ainsi que tarifit alors que le nombre de candidats ayant opté pour taqbaylit est en stagnation. Ce sont les villes de province qui ont fait la différence puisque dans les trois académies de la Région parisienne (Paris - Créteil - Versailles), qui fournissent la moitié des candidats de l’ensemble de l’Hexagone, ce sont les candidats ayant choisi le texte kabyle qui arrivent en tête avec 527 candidats sur 923 des inscrits sur les trois académies. Durant les premières sessions de cette épreuve, les candidats qui optaient pour taqbaylit étaient nettement plus nombreux ; ils représentaient 2/3 de l’ensemble des candidats.

Les sujets de la session 2003.

Pour cette session 2003, les candidats au sujet du kabyle ont eu à composer sur un texte traitant de l’émigration et extrait du roman de Rachid Alliche Faffa (1986) ; les candidats à l’épreuve de tachelhit ont eu, quant à eux, comme sujet Innayer, premier Jour de l’An amazigh, extrait de l’ouvrage Textes berbères des Guedmiwa et Goundafa publié par H. Stroomer ; quant aux 457 candidats ayant choisit le texte rifain ils ont eu une légende de Sidi Aïssa Ou Abdelkrim extraite de l’ouvrage de A. Renisio Etude sur les dialectes berbères des Beni Iznasen du Rif, paru en 1932.

Pour les trois sujets, et c’est le cas pour l’ensemble des sessions, les questions forment trois principales parties. Dans la première, il est demandé aux candidats de traduire une partie du texte (environ 10 lignes) ; dans la deuxième, c’est la compréhension du texte qui est évaluée (2 ou trois questions relatives au texte sont posées au candidat qui doit répondre en berbère) ; la troisième partie est destinée à évaluer les capacités d’expression du candidat. Cette année, par exemple, dans le sujet de kabyle, suite à la question "Pourquoi les femmes n’accompagnaient-elles pas leurs maris émigrés en France", il leur est demandé de dire si "la situation est-elle toujours la même ou bien quelque chose a-t-il changé ?". Dans le sujet de chleuh, il est demandé aux candidats de décrire en quelques lignes un repas de fête à la maison.

L’Education nationale fuit ses responsabilités !

Une fois de plus, nous ne pouvons que déplorer l’attitude de l’Education nationale qui n’assure aucune préparation aux lycéens qui choisissent cette épreuve. Cette situation est, pour le moins, inacceptable et inexplicable. Comment "imposer" à des candidats une épreuve écrite alors qu’aucune préparation préalable n’est assurée ? L’écrasante majorité de ces candidats ignorent jusqu’au système de transcription du berbère, sans parler des règles d’écriture qui ne sont évidentes pour personne.

En mars 2002, le Ministère de l’Education nationale avait annoncé la volonté du Ministre Jacques Lang de faire en sorte que les candidats à l’épreuve de berbère au baccalauréat bénéficient d’une préparation au sein des lycées. Cette volonté ne s’est nullement concrétisée : à la promesse vague du Ministère s’ajoute le changement de majorité intervenu entre temps.

L’attitude du gouvernement français, aussi bien par rapport à cette épreuve qu’aux langue et culture berbères de manière générale, ne peut continuer ainsi. Cette marginalisation qui ne peut s’expliquer que par une position idéologique qui privilégie des relations et intérêts avec les régimes d’Alger et de Rabat ne peut continuer, et la France doit revoir sa politique envers la culture berbère qui, en plus d’être discriminatoire, elle ne sert nullement la société française.

A quand la reconnaissance des langue et culture berbères en France ?

Chaque année, on émet le vœu de voir l’Education nationale procéder à l’enseignement de la langue berbère ne serait-ce que dans les lycées. Pouvons-nous espérer du gouvernement Raffarin une prise de conscience et la réparation de l’injustice faite d’abord aux milliers de candidats à l’épreuve facultative de langue berbère au baccalauréat, mais, de manière générale, aussi aux Berbères de France qui sont au nombre d’un million et demi au moins ? Et pourtant les langue et culture berbères font partie des patrimoines linguistique et culturel de la France, comme l’avait si bien souligné Guy Carcassonne dans son rapport à Lionel Jospin en 1998 lorsque l’Etat français s’apprêtait à signer la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Les Berbères de France peuvent-ils espérer que le gouvernement Raffarin prenne conscience de l’intérêt que présente la prise en charge de la culture berbère ainsi que de son apport à la société et à la République ? Mais ce qui est à souhaiter encore plus c’est la mobilisation des Berbères eux-mêmes, seule façon à même d’inciter le gouvernement français à revoir sa politique envers les langue et culture berbères ! Même dans des démocraties, tout s’arrache !

Masin FERKAL.

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