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Une nouvelle voix dans la littérature kabyle écrite
dimanche 8 mars 2020, par
Sans vouloir faire de sexisme, j’ai toujours pensé que la belle langue était du côté des femmes. Elles en sont les dépositaires, les transmetteuses. Il semble que la belle littérature est de leur côté aussi. Rabha Aïssou vient d’en donner la preuve à travers son recueil de nouvelles Timerǧiwt (L’attente) publié aux Editions Achab. De formation littéraire et férue des belles lettres, cette auteure a su en tirer profit pour bâtir ses textes dans une langue si bien ciselée que le lecteur ne risque pas de s’en lasser.
Composé de neuf nouvelles, le recueil met en scène des personnages féminins dans l’attente : dans l’attente d’un fils disparu, d’un amant imaginaire, d’une vie meilleure... Qui mieux qu’une femme pour décrire sa propre condition ?
L’auteure fait une description poignante de ses personnages féminins et met le doigt là où ça fait mal : les femmes portent le poids d’un ordre familial et social qui les écrase, les réduit au silence. Ecrire sur leur condition apparaît ainsi comme une manière de leur donner voix. N’est-ce pas l’une des fonctions de la littérature que de donner la parole à celles et à ceux qui en sont privés ?
Sans verser dans le féminisme, ni dans le pathos, sans se donner le rôle de porte-parole de la femme kabyle, l’auteure scrute sa condition et donne à voir de l’intérieur les multiples souffrances qui l’empêchent d’être, les subtilités qui échappent très souvent au regard de l’homme, ce qui engendre des malentendus aux retombées parfois tragiques.
Les nouvelles donnent à vivre, le temps de la lecture, le quotidien de femmes prisonnières de traditions anciennes, un quotidien fait d’humiliations, de violences physiques et psychologiques tacitement admises par la société comme dans Tamwarebt (La répudiée) où dans Tiziri où la femme répudiée se voit impuissamment arracher ses enfants. Lemri (Le miroir) et Tameɣra (Les noces) dépeignent les vaines aspirations de la femme à la modernité, des aspirations qui se heurtent au mur de la réalité d’une société clivée parfois jusqu’à la schizophrénie.
Le choix du genre de la nouvelle n’est pas anodin, il permet à l’auteure de dépeindre ses personnages en suggérant, sans les dire explicitement, les déboires qu’ils vivent, des déboires si pesants au point de tomber dans l’errance, à l’image de Feṛṛuǧa tamsaḥt (Ferroudja l’errante), ou de sombrer dans la folie à l’instar du personnage de la mère dans Ttxil-k a mmi... (Je t’en supplie, mon fils).
Outre la maîtrise de sa narration, la richesse de la langue est sans nul doute un trait stylistique chez Rabha Aïssou. Les phrases, même lorsqu’elles sont courtes, sont d’une densité sémantique intense, d’une richesse qu’alimente une connaissance très fine d’expressions idiomatiques traditionnelles. Sous la plume de Rabha Aïssou ressortent bon nombre de trésors lexicaux et stylistiques que recèle la langue kabyle et qui exercent un effet certain sur le lecteur.
Au-delà de l’expérience esthétique que le recueil fait vivre au lecteur, les textes donnent à réfléchir sur les rouages sociaux dont on peut être inconsciemment prisonnier. La littérature kabyle, à l’image des textes qui composent Timerǧiwt, contribue à s’en libérer.
Même si elle n’en est qu’à son premier recueil de nouvelles, Rabha Aïssou se révèle déjà comme une valeur sûre de la littérature kabyle écrite.
Amar Améziane
Messages
1. Une nouvelle voix dans la littérature kabyle écrite , 18 mars 2020, 18:09, par Yidir u Sekku
Talalit d timgerrezt ! Aqel-aɣ nerbeḥ akken terbeḥ tsekla-nneɣ. Nessaram-as i udlis-agi ad yaweḍ timeɣriyin akw d yimeɣriyen akken ad xemmemen/t snulfun/t Sakwin/t agdud ad yawi abrid n yimal d tilli (existence).