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Libye : rien ne fera plier les Amazighs !

Entretien avec Fathi Bouzakhar, Directeur de l’Institut des études amazighes en Libye.

dimanche 4 octobre 2020, par Masin

La situation en Libye est pour le moins confuse. De nombreuses forces étrangères s’activent et agissent pour leurs seuls intérêts au mépris des Libyens soucieux d’instaurer un véritable Etat de droit et des libertés.
Les Amazighs qui ont joué un rôle important dans les derniers combats contre les Forces armées arabes libyennes (FAAL) de Khalifa Haftar, aux côtés du GNA, se retrouvent, encore une fois, face à ce gouvernement dont certains membres tentent de profiter de la situation pour accélérer les procédures pour l’adoption du projet constitutionnel auquel les Amazighs sont hostiles. Et pour la énième fois, les Amazighs font entendre leur voix et réitèrent leur rejet de ce texte jugé raciste et anti-libyen dans lequel ils ne se reconnaissent.
Pour en savoir plus, nous avons entretenu Fathi Bouzakhar, ancien président du Congrès national des Amazighs de Libye (CNAL) et actuel directeur de l’Institut des études amazighes en Libye à Tripoli.



Tamazgha : Quelles sont les raisons pour lesquelles les Amazighs sont opposés au projet de Constitution du gouvernement libyen ?

Fathi Bouzakhar : Les Amazighs de la Libye s’opposent au projet de constitution par ce qu’ils sont exclus de la participation à la préparation et la rédaction de ce projet. Les Amazighs étaient prêts à participer à condition que les questions relatives à la question amazighe (langue, identité,…) ne soient pas tranchées par voie de vote. Pour les Amazighs, la langue et l’identité amazighes devraient faire l’objet de consensus.


Il semblerait que le Gouvernement libyen a pris des mesures en faveur de Tamazight, mais les Amazighs ne semblent pas être satisfaits. Pourquoi ?

Comme les autres Libyens, la majorité des Amazighs sont victimes de l’ancien régime. Ils vivent dans la peur attendant le gouvernement pour les nourrir et planifier leur futur. Cela est une tendance générale en Libye. A cela s’ajoute l’instabilité qui est un autre obstacle. Comme c’est le cas avec les autres Libyens, les Amazighs n’ont pas, pour le moment, le courage de planifier leur futur. Seuls quelques Amazighs ont le courage de lutter pour construire un avenir meilleur pour la langue et la culture amazighes.


Expliquez-nous cette histoire de "Comité des 58" (ou "Comité des 60") qui revient souvent dans les déclarations des Amazighs.

Comme je l’ai mentionné plus haut, les Amazighs sont représentés par 2 membres (ou 4 si nous incluons les Touaregs). Lorsqu’ils se rendent compte que la procédure d’adoption des questions discutées dans le projet de la Constitution est le vote, donc l’approbation par la majorité des membres du Comité qui sont au nombre de soixante, les Amazighs ont refusé que cette méthodologie soit appliquée aux questions relatives à la langue et à l’identité. Et comme ils n’ont pas été entendus, ils se sont retirés du Comité.


Le HCAL vient de rendre publique une déclaration par laquelle il met en garde le Gouvernement d’entente national (GNA) quant à toute tentative qui consisterait à faire adopter le projet de Constitution dans sa version actuelle. Est-ce que cela sous-entend que les Amazighs doivent rester vigilants et ne pas accorder une totale confiance au GNA avec lequel ils sont pourtant alliés pour combattre les Forces armées arabes libyennes (FAAL) de Haftar ?

Je pense qu’en politique les conflits et les tensions qui persistent ne pourront jamais aider à l’épanouissement de la langue amazighe.
La paix et la sécurité sont en mesure de contribuer à améliorer la situation de Tamazight, surtout si nous avions su soutenir la démocratie en Lybie et éviter les guerres. La Lybie est menacée par la partition qui sera une perte pour tous les Libyens. Nous avons besoin d’une Libye unie pour survivre.


Si les Amazighs ne peuvent pas accorder une totale confiance au GNA qui ne respecte pas leurs droits, quelle serait la différence entre lui et Haftar ?

Il y a deux raisons qui représentent des obstacles pour Tamazight : l’ignorance de la culture des droits de l’homme en Afrique du nord et la persistance, après la deuxième Guerre mondiale, à inclure Tamazgha dans le monde arabe. Le GNA vit dans une soi-disant société civile, mais Haftar représente l’enfer et la dictature.


Dans sa déclaration, le HCAL met en garde le GNA et affirme que toute décision allant à l’encontre des intérêts et droits des Amazighs appellerait des décisions et initiatives de ces derniers à même de garantir leur droits fondamentaux en tant que peuple premier sur cette Terre qu’est la Libye. Quelle genre d’initiatives ou de décisions les Amazighs pourraient prendre ?

Les Amazighs luttent pour vivre comme des êtres humains et pour préserver leurs langue et culture sans crainte.


Et peut-on imaginer les Amazighs rester neutres face à la guerre entre le GNA et les FAAL ?


Je ne suis pas sûr.


Que pensez-vous de la situation actuelle que traverse la Libye, du rôle de la Communauté internationale, notamment la France ? Et comment voyez-vous le dénouement de la situation de sorte à ce que les Libyens reprennent leur souveraineté et puissent accéder à une vie normale ?

La France est le pire ennemi de Tamazight et de la démocratie en Libye. La souveraineté de la Libye sera réalisée par la conjugaison des efforts des Libyens afin de lutter pour la démocratie et l’unité de la Libye.


Propos recueillis par,
Masin Ferkal.

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