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Guerre d’Algérie

sous la direction de Mohamed Harbi et Benjamin Stora

dimanche 18 juillet 2004, par Masin

Cet ouvrage se donne d’abord pour objectif la structuration des mémoires blessées par la guerre d’Algérie et de situer le niveau de responsabilités et de souffrances de chacun des groupes concernés. Pour cela, les auteurs s’appuient sur les sources originales et les ouvrages déjà publiés.
Un livre dont les éditeurs le dédient et le destine aux nouvelles générations qui doivent affronter les défis d’aujourd’hui. Car, aujourd’hui, disent les auteurs, il est temps de sortir de l’enfermement et du traumatisme colonial, sortir des litanies de la victimisation et des autojustifications aveugles.

En plus de l’introduction, les éditeurs ont structuré l’ouvrage en quatre parties. La première partie est consacrée aux "Institutions" avec cinq contributions ; la deuxième est consacrée aux "Acteurs" avec neuf contributions ; la troisième partie aux "Violences" avec sept contributions et la quatrième consacrée aux "Représentations" avec huit contributions.
Une chronologie de la guerre d’Algérie est donnée en fin d’ouvrage suivie d’une bibliographie sur cette guerre.

Dans son article "Violence(s)", Omar Carlier revient sur la dite "politique kabyle" de la France et dit que « S’agissant du "mythe kabyle", s’il n’est pas douteux que l’Administration a instrumenté et instrumentalisé le clivage Arabes-Berbères, celle-ci n’a pas songé un instant à promouvoir la langue des anciens Aguellids, qu’elle aurait pu unifier, écrire, enseigner, si elle s’en était donné les moyens, comme bien d’autres Etats l’ont fait pour des langues non écrites. Sa "politique kabyle" est restée de nul effet sur ce plan. Paradoxalement, la colonisation a arabisé, sans l’avoir voulu. En 1954, l’Algérie est bien plus arabophone qu’en 1830. » (p. 365).

Omar Carlier revient aussi sur "Le paradigme de l’unité et l’obsession kabyle" et évoque la crise dite berbériste. En effet, la crise qu’à traversé le PPA-MTLD en 1948-49 est qualifiée par nombre d’observateurs de "crise berbériste" or que la problématique posée, c’est vari par des kabyles de gauche, c’était "L’Algérie algérienne" qui tient compte des d’un certain nombre d’éléments identitaires qui constitue, selon eux, l’Algérie parmi lesquels ils citent tout naturellement la langue berbère. Cette approche s’opposait à celle défendue par Messali Hadj, alors à la tête du PPA-MTLD, à savoir une Algérie arabo-musulmane. Cette définition des partisans de Messali avait, selon l’auteur, produit ce qu’elle prétend éviter à savoir la division et la désunion puisque les kabyles partisans de l’Algérie algérienne ont été très vite dénoncés comme "berbéro-marxistes". Ils furent même combattus au sein du Mouvement national algérien et nombre parmi eux furent liquidés physiquement. Même le fameux Parti du Peuple Kabyle (PPK) attribué aux animateurs du courant dit berbériste, nul n’en a trouvé trace : c’était plus une création imaginaire des messalistes pour se débarrasser des militants kabyles partisans de l’"Algérie algérienne" accusés d’agents de l’Administration française. Une purge fut ainsi lancée au sein ; elle a commencé d’abord à Paris et très vite elle gagne la Kabylie où la direction fédérale fut écartée au profit de Krim Belkacem et Ouamrane. Ce même Krim Belkacem dont l’une des premières victimes, en novembre 1954, est un ancien militant "berbériste" de Fort-National, fut mis en minorité en 1958, et battu en 1962. Il est suspect non de berbérisme idéologique ou linguistique, mais de vouloir imposer une direction kabyle à la révolution. Il sera finalement assassiné en 1972. (p. 370).

Moula Bouaziz et Alain Mahé proposent une monographie de la Kabylie durant cette guerre. L’on ne comprend pas d’ailleurs pourquoi l’article est intitulé "La Grande Kabylie durant la guerre d’indépendance algérienne" !
Dans cet article les auteurs tentent de restituer, autant que possible, la situation de la Kabylie et des populations civiles durant la guerre. Pour cela, il a fallu qu’ils se détachent du point de vue des combattants et des idéologues de tous bords.

Les auteurs ont bien entendu consulté les archives du Service historique de l’armée de terre (SHAT) relatives à la guerre en Kabylie. Mais ces archives dont les sources sont presque toutes produites par les parties en conflit souvent travestissent la réalité. Pour illustrer cela, ils donnent l’exemple d’événements tragiques qui se sont déroulés à Taourirt Moussa et que Mouloud Feraoun décrit de façon circonstanciée dans son Journal et dont ils ne trouvent aucune trace dans les archives du SHAT en dépit de recherches poussées.

Les auteurs ont constaté également le décalage entre les témoignages émanant de responsables politiques ou de combattants et ceux écrits spontanément par des civils soucieux de comprendre ce qui se passe autour d’eux. Ainsi le Journal de Mouloud Feraoun a été d’un grand apport aux auteurs.

Dans leur article, Moula Bouaziz et Alain Mahé ont passé en revue les questions suivantes :
- Situation de la Grande Kabylie à la veille de la guerre ;
- Les centres municipaux (1945-1956) ;
- Les SAS (1955-1962) ;
- La guerre ;
- L’organisation locale de l’ALN ;
- Les opérations militaires ;
- Les massacres et purges au sein de l’ALN ;
- Les camps de regroupements et les recasements (1955-mai 1966)

En fin d’article, les auteurs donnent la liste des archives consultées au Service historique de l’armée de terre (SHAT) ainsi qu’une bibliographie exhaustive des travaux cités.

Les auteurs estiment que les Kabyles ont pris plus que leur part dans le mouvement national algérien, aussi bien avant que durant la guerre. Ils précisent qu’en Kabylie "quoi que l’on dise et malgré quelques dissidences, l’immense majorité des militants nationalistes a communié dans le mythe arabo-islamisme, avant que celui-ci devienne un dogme dont la remise en cause relèvera d’une Cour de sûreté de l’Etat. [...] La guerre a été l’occasion d’apurer bien des comptes et bon nombre de martyrs seraient étonnés d’être considérés comme tels aujourd’hui".

Yuba u Qasi



La Guerre d’Algérie, 1954-2004 : La fin de l’amnésie.
Sous la direction de Mohamed Harbi et Benjamin Stora
Robert Lafont, Paris, 2004.
728 pages,
26 €

Ont contribué à cet ouvrage :
Linda Amiri, Abdelkrim Badjadja, Charles Bonn, Moula Bouaziz, Raphaëlle Branche, Omar Carlier, Marie Chominot, Jean Daniel, Malika Dorbani, René Galissot, Jean-Jacques Gonzales, Mohand Hamoumou, Jean-Charles Jauffret, Rémi Kauffer, Daniel Lefeuve, Claude Liauzu, Alain Mahé, Claire Mauss-Copeaux, Abdelmajid Merdaci, Gilbert Meynier, Guy Pervillé, Jean-Pierre Peyroulou, Tramor Quemenuer, Jean-Pierre Rioux, Khaoula Talb Ibrahimi, Sylvie Thénault.

Table des matières :

 Introduction, par Mohammed Harbi et Benjamin Stora

Première partie : INSTITUTIONS



 Les Français et la guerre des deux Républiques, Jean-Pierre Rioux

 L’Algérie en perspectives, Mohammed Harbi

 La décolonisation du Maghreb, René Gallissot

 La justice dans la guerre d’Algérie, Sylvie Thénault

 Rétablir et maintenir l’ordre colonial : la police française et les Algériens en Algérie française de 1945 à 1962, Jean-Pierre Peyroulou


Deuxième partie : ACTEURS

 Le mouvement des rappelés en 1955-1956, Jean-Charles Jauffret

 Ceux qui ont fait la guerre à la guerre, Claude Liauzu

 « La discipline jusque dans l’indiscipline ». La désobéissance de militaires français en faveur de l’Algérie française, Tramor Quemeneur,

 Constantine - 1954 : entre l’insurrection et la dissidence, Abdelmajid Merdaci

 Les Algériennes et la guerre de libération nationale. L’émergence des femmes dans l’espace public et politique au cours de la guerre et l’après-guerre, Khaoula Taleb Ibrahimi

 La Grande Kabylie durant la guerre d’Indépendance algérienne, Moula Bouaziz et Alain Mahé

 Les pieds-noirs, Daniel Lefeuvre

 L’impossible neutralité des Juifs d’Algérie, Benjamin Stora

 L’histoire des harkis et Français musulmans : la fin d’un tabou ? Mohand Hamoumou


Troisième partie : VIOLENCES

 Violence(s), Omar Cartier

 La torture pendant la guerre d’Algérie, Raphaelîe Branche

 La répression policière en France vue par les archives, Linda Amiri

 Le PPA-MTLD et le FLN-ALN, étude comparée, Gilbert Meynier

 OAS : la guerre franco-française d’Algérie, RémiKauffer

 La guerre d’Algérie : combien de morts ? Guy Pervillé

 Témoignage de Jean Daniel


Quatrième partie : REPRÉSENTATIONS

 1999-2003, guerre d’Algérie, les accélérations de la mémoire, Benjamin Stora

 La guerre d’Algérie et les arts plastiques, Malika Dorbani

 Le roman algérien de langue française, du thème historique
de la guerre, à la guerre littéraire des discours.
Ou : Kateb Yacine et le Moudjahid, Charles Bonn

 Photographies d’appelés de la guerre d’Algérie,
Claire Mauss-Copeaux

 Le « film » de la guerre. Les débuts de la guerre d’Algérie dans l’hebdomadaire illustré Paris Match
(novembre 1954-juillet 1956), Marie Chominot

 Une utopie méditerranéenne. Albert Camus et l’Algérie en guerre, Jean-Jacques Gonzales

 Sur l’enseignement de la guerre d’Algérie, Jean-Pierre Rioux

 Panorama des archives de l’Algérie moderne et contemporaine, Abdeikrim Badjadja



 Chronologie de la guerre d’Algérie


 Bibliographie sur la guerre d’Algérie


 Les auteurs


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