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La production littéraire amazighe nécessite un coup de tamis critique

samedi 7 décembre 2013, par Yafelman

Omar Derouich est un poète et nouvelliste amazigh. Il a publié "Anfara", "Taskiwin" et "Ha-yi g ubrid", trois recueils de poèmes en langue amazighe. Il vient de sortir un recueil de nouvelles intitulé "Taseggawert n ugdal inzan" (Tranchée du terrain privé vendu) aux Editions Berbères (Paris). Ce recueil, pour rappel, est dédié à Muhand Saïdi Amezian, l’artiste qui a réalisé les illustrations de ce livre.
A cette occasion, nous avons souhaité donner la parole à l’écrivain qui nous a accordé cet entretien.


Omar Derouich




Tamazgha.fr : La littérature amazighe moderne a connu un essor considérable ces dernières années et vous en êtes l’un des pionniers. Quel regard portez-vous sur cette littérature ?

Omar Derouich : La littérature amazighe moderne a connu certainement un essor mais pas considérable, car il s’agit surtout de productions poétiques qui nécessitent un coup de tamis critique. Pour essayer d’être assez précis, je crois que la qualité des œuvres amazighes produites au Maroc laisse à désirer ; il faut dire qu’il y a des milieux qui, d’une manière délibérée, financent des productions qui s’illustrent par leur médiocrité. Ils ont même tendance à "inonder" le marché par de telles publications dans le but de noyer le peu de publications de qualité, une qualité qui se fait de plus en plus rare. Les œuvres de référence restent du côté amazigh de Kabylie. C’est bien entendu la région pionnière dans l’édition de qualité comme c’était le cas de la chanson et de la musique. Il est d’ailleurs regrettable de constater une certaine kabylophobie cultivée par certains milieux
"amazighs" rétrogrades marocains. Ils omettent peut-être que les Kabyles sont aussi des Amazighs. L’expérience kabyle, dans la production artistique, littéraire ou scientifique amazighs, est à revisiter et à reprendre.


Quels sont les problèmes qui empêchent cette jeune littérature de se développer ?

Les problèmes de développement de cette jeune littérature amazighe sont variés : le désintérêt du Mouvement Culturel Amazigh à l’écrit en général et de l’amazigh en particulier. La rareté, pour ne pas dire l’absence, des activités traitant les œuvres écrites en amazigh. L’indifférence des critiques littéraires vis-à-vis de ce qui s’édite.
La lecture qui n’intéresse que très peu d’amazighophone, etc.


Pensez-vous que le problème de la graphie (tifinagh ou
latin) a une quelconque influence (négative ou positive) sur cette
production ?


La question des caractères d’écriture vient compliquer les choses : le fait d’écrire des textes amazighs en caractères tifinagh fait fuir le peu de lecteurs et de lectrices de notre langue. Les caractères latins, auxquels j’ai opté depuis des années, restent les mieux adaptés à l’écriture des œuvres et des longs textes. Au Maroc où l’on a opté pour les caractères tifinagh, l’on remarque que la majorité des livres littéraires amazighs comprennent la version des textes transcrits en caractères latins. C’est un indice qui met en valeur les caractères latins adaptés à l’amazigh.


Quel est le rôle que doit remplir, selon vous, un auteur en
langue amazighe ?


Un auteur amazigh et amazighophone doit produire des œuvres de qualité qui ne seront jamais oubliées. De même, il doit s’associer avec des associations et des cercles littéraires militants qui permettront la diffusion des productions ainsi que la "conscientisation" du public.


Propos recueillis par
A. Azergui

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