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Pourquoi attaquer le droit de caricaturer en France ?
Un entretien avec Lucien Oulahbib.
dimanche 9 janvier 2005, par
Nous publions ci-après un entretien avec Lucien Oulahbib, publié sur le site "la Minute du Sablier"
En effet, Lucien Oulahbib vient d’être assigné devant le Tribunal par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) et et l’association "Les femmes libres de Vincennes".
C’est un dessin, ou plutôt une caricature, mise en ligne sur le site "Touscontrelevoile" qualifiée d’incitation à la haine raciale envers les femmes musulmanes par les deux associations suscitées qui a valu au webmestre du site "Touscontrelevoile" cette assignation. Le Parquet, quant à lui, y voit une provocation à l’incitation.
Si en France aujourd’hui on ne pourra plus user même de la caricature pour nous exprimer sur certains sujets, quel sens aura la liberté d’expression ?
Il est vraiment temps de réagir et se mobiliser pour protéger et défendre les espaces de liberté qui sont commencent à être sérieusement menacés.
Un prétendu "mouvement" combattant, paraît-il, le "racisme" et se battant, sans rire, pour "l’amitié entre les peuples" (alors qu’autrefois il se nommait -clame la rumeur d’Orléans - mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix...) a assigné en justice Lucien Samir Arezki Oulahbib le webmaster du site Touscontrelevoile (le Parquet via ses services statue actuellement sur la recevabilité de la plainte), assisté pour ce faire d’une soit disant "association de femmes libres" (et sans doute aux barbes bien cachées), à l’occasion d’une caricature se moquant des propos de cette jeune islamiste au voile rose qui, debout aux côtés de certains de ses congénères et du Ministère de l’intérieur français, avait déclaré ne pas vouloir voir son voile entaché du sang des otages français ; aussi se proposait-elle de s’échanger à leur place. Au même moment deux bus piégés avaient sauté en Israël, et quelques otages avaient été décapités en Irak sans que cette jeune femme ne s’en offusque, du moins en public.
La caricature ne fit alors que souligner, -de façon certes provocante, l’étrangeté, (mais telle est sa fonction : provoquer, -provocare (latin, 1120), "appeler (vocare) dehors" écrit le Petit Robert-invoquer, susciter l’interrogation, la réflexion, le débat)-, le déséquilibre de cette affirmation si altière de cette jeune femme au voile rose se proposant si gentiment comme monnaie d’échange, tout en condamnant la prise des otages français, sans dire cependant un mot, pas un, sur les assassinats de civils, condamnés pourtant par le Droit international, assassinats qui, dans un passé récent, avaient été également commis par des femmes kamikazes dont certaines étaient...voilées.
Que dénonce cette caricature ? Une femme, de dos, que l’on suppose voilée, dit tout haut ce qui se chuchote tout bas en France et se chante avec joie, là-bas, dans cette contrée sur laquelle se joue le conflit judéo-arabe ; elle dit, cette caricature de femme, qu’elle préfère avoir du sang juif sur son voile que le sang des otages français. Or, n’est-ce pas, exactement, ce que signifie ce silence assourdissant qui refuse de condamner le meurtre d’un otage italien, américain, israélien alors que ce crime est strictement condamné juridiquement ?
Il y a là deux poids deux mesures qui n’auraient pas dû échapper à ce dit mouvement prétendant lutter pour l’amitié entre les peuples. De quels peuples s’agit-il d’abord ? Que veut dire ce pluriel ? Il n’y a qu’un peuple en France. Du moins si l’on ne confond pas pluriculturalité et multiculturalité, c’est-à-dire possibilité d’échanges entre des traditions différentes et enrichissement entre-elles, -quitte à en abandonner certaines au profit de celles qui respectent le plus les droits dorénavant universels de la personne, c’est cela la pluriculturalité. Alors que la multiculturalité implique seulement une coexistence étanche de communautés aux traditions posées comme inamovibles, y compris pour celles et ceux qui désireraient sinon les abandonner, du moins les amender.
Or, de deux choses l’une, si ce prétendu mouvement se bat contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, le fait-il dans une vision pluriculturelle ou multiculturelle ? Et, pour commencer, agit-il en priorité en France et/ou dans le monde ?
S’il le fait dans le monde, dans ce cas la lutte sans appel contre tous les attentats de civils doit être sa priorité majeure, afin qu’il n’y ait pas d’amalgame par exemple en France, entre juifs français et juifs israéliens ; afin que son silence ne soit pas interprété comme la permission implicite d’agresser un juif français l’accusant du conflit judéo-arabe, rien que ça ! alors que ce conflit, pour l’essentiel, indique le refus, arabe, de voir des juifs, vivre de façon indépendante sur leur terre ancestrale, ce qui implique, pour le moins, et si l’on désire vraiment l’amitié entre les peuples, d’organiser des débats entre divers points de vue sur la chose pour essayer d’atteindre une vision sinon identique du moins à même de construire une amitié, réelle, et non pas biaisée.
Si, par contre, ce dit mouvement se bat également ou exclusivement en France, autant le vocable antiraciste peut se comprendre, (même si en réalité en ne disant rien sur ce qui alimente par exemple l’antisémitisme en France, il ne fait que jeter de l’huile sur le feu dans certaines banlieues où, paraît-il, ses membres se déplacent comme des poissons dans l’eau...), autant cette soit disante amitié entre les peuples ne veut rien dire dans le cadre de la République française une et indivisible.
A moins de se battre pour une vision communautariste, une vision strictement opposée à l’esprit et à la lettre de la citoyenneté française, voire d’ailleurs européenne et même universelle ; du moins si l’on admet qu’implicitement se met peu à peu en place dans le monde l’idée d’un respect des droits de la personne ; sauf, évidemment dans les pays qui le refusent...
Voilà tout ce nous avions en tête lorsque nous décidâmes d’aller interviewer le webmaster de TCLV, Lucien Samir Arezki Oulahbib :
La Minute du Sableir : Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez reçu la convocation de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne ?
Lucien Samir Arezki Oulahbib : Un sentiment de dégoût, surtout le fait de se voir ainsi traîner dans la boue en étant accusé d’incitation à la haine raciale et religieuse, ce qui veut dire que l’on est raciste, haineux, antireligieux, c’est ce que ces mots veulent vraiment dire semble-t-il. Ce qui est un mensonge éhonté, du moins me concernant personnellement, et cela n’a, strictement, rien à voir avec la caricature incriminée qui dénonçait une attitude et non pas une religion, voire une "race".
D’ailleurs je vous ferais remarquer que je ne vois pas le rapport entre une certaine façon de porter le voile musulman et une "race", puisque incitation à la haine raciale implique aussi cela, or, jusqu’à preuve du contraire, une religion ne veut pas dire race, les races n’existant pas comme on le sait...
LMDS : Qu’allez-vous faire ? Voulez-vous déposer une plainte pour poursuite abusive...
LSAO : ...préjudice moral aussi, atteinte à la dignité de la personne...etc...Je ne sais pas...Pour l’instant je suis écoeuré, j’attends la réaction du Parquet. Le brigadier, très aimable par ailleurs, m’a dit que selon lui il n’y avait pas de quoi poursuivre et que son service allait, peut-être, -il lui faut l’avis de ses supérieurs-, proposer au Parquet de classer...
LMDS : Et si la Brigade et/ou le Parquet ne classent pas ?...
LSAO : Cela voudrait dire d’une part que l’affaire est montée en épingle, c’est donc une décision politique qui doit trouver sa réponse politique et non pas seulement juridique. D’autre part, et plus profondément, cela signifie que désormais, en France, il est interdit de dénoncer la vision biaisée du conflit judéo-arabe et que seules les positions idéologiques ont pignon sur rue...
LMDS : Vous risquez la prison (un an) et une amende de 45 000 euros...
LSAO : Cela fait partie du préjudice moral, du stress également, ce qui pourrait aussi permettre de monter un dossier médical en vue de poursuivre et ce de façon rigoureusement exemplaire puisque, en état du dossier, la plainte contre moi est irrecevable, du moins en Droit européen.
Par ailleurs, il n’y a pas eu atteinte, nominative, à la personne, mais critique d’une attitude. De plus, dans les mots mêmes de la caricature, les termes de voile, d’islam, ne sont pas désignés. Pourtant le contexte ayant vu la création de cette caricature a été entaché non seulement d’atteinte mais d’homicide à la personne puisque des attentats et des assassinats ont été commis, au nom de l’Islam, sans qu’aucun responsable musulman français (sinon peut-être le recteur de la mosquée de Paris et certainement le mufti de Marseille...) n’ait daigné dire un mot ; ne parlons pas de ce soit disant mouvement se battant contre le racisme, -alors qu’il l’alimente-, en vue de l’amitié entre les peuples alors qu’il fait tout pour attiser la haine en refusant d’avancer une vision objective des faits, ce que j’essaye de réaliser dans tous mes écrits, vous en êtes le témoin puisque vous avez bien daigné mettre en ligne quelques uns de mes articles.
LMDS : On vous sent amer...
LSAO : Amer et ému, indigné certainement, déçu aussi jusqu’à, parfois, me demander s’il ne vaut mieux pas que je quitte la France, de plus en plus aux mains des ennemis de la liberté de penser et d’entreprendre ; on croît d’ailleurs rêver, être attaqué ainsi, et ce sans qu’il y ait eu aucun préliminaire, aucune volonté de dialogue...
LMDS : Que voulez-vous dire ?
LSAO : Comme webmaster je reçois vous devez bien vous en doutez un certain nombre de courriels venant de la part de partisans du voile islamique ; nous polémiquons, et, souvent, il y a eu échange, aussi surprenant que cela paraisse ; dans certains cas l’on s’est adressé plusieurs messages en tentant d’écouter l’autre ; et, je le reconnais, il s’avère que si certains contenus étaient irréconciliables, au moins, il y avait un désir, diffus, de se justifier ; certaines personnes croyant par exemple porter le voile de façon plus religieuse que politique par exemple... en tout cas, il y avait débat.
Ici, dans ce cas précis, rien, pas un courriel, pas de discussion ; je pense par exemple que j’aurais expliqué les circonstances de cette caricature, j’aurais écrit quelque chose de plus, par souci pédgogique, comme je l’ai fait depuis la convocation afin de montrer ma bonne volonté exigeant un débat honnête, objectif, j’insiste sur ce dernier mot, même s’il est dénigré.
Or, là, rien de tel, sinon une attaque directe, dure, brutale, plainte explosive, piégée, à la façon d’une voiture, d’un immeuble, d’un cadavre, celui de la Justice visiblement, puisque l’on s’en sert comme moyen de nuire et non pas en vue de restaurer des dommages. Si je poursuis à mon tour ce sera d’ailleurs dans cette optique et non en vue de salir. Mais il faudrait avoir que cela à faire, or j’ai beaucoup de choses à écrire, plusieurs livres vont sortir et il faut les expliquer etc...
LMDS : Avez-vous du soutien ?...
LSAO : Oui... et cela réconforte.
– Source : La Minute du Sablier
Pour soutenir Lucien Oulahbib : lucien.oulahbib@free.fr
– Site personnel de Lucien Oulahbib
Entretien repris avec l’autorisation de "La Minute du Sablier"
Lucien Oulahbib est auteur de "Les Berbères et le Christianisme", paru chez les Editions Berbères (Paris, 2004).
Messages
1. > Pourquoi attaquer le droit de caricaturer en France ?, 7 avril 2006, 20:19, par Sindbad
Perplexité et dégoût. Nous sommes plongés dans un large éventail de mauvaise foi et tombons dans le total manque de sens.
Oui, il faut pouvoir argumenter au cas où cela s’avère nécessaire- contre toute situation aberrante soit-elle du fait d’une religion ou non.
Si en attaquant l’islam, quelqu’un peut être accusé de racisme, c’est alors que l’islam serait le fait d’une race et cela serait fondamentalement grave ; puisque ce serait un projet de conquête déguisé en religion. (Il serait bon de se pencher sérieusement sur les fondements de l’islam, il y a certainement certains détails importants à mettre en lumière.) Un être humain ne l’est que dans son éveil à la Liberté. Or il y a malentendu sur la liberté, voir la mise en accusation de Lucien Samir Oulahbib.
Nous vivons un cauchemar, un point c’est tout.