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Tinariwen ou la résistance par le Rock...
jeudi 23 août 2007, par
"Écouter Tinariwen, c’est comme laisser tomber un seau dans un puits profond”
Une Musique des racines. Éternels riffs de guitares électriques. Une énergie âcre. Des voix brutes façonnées par le Ténéré et des paroles aiguisées par la souffrance de l’errance, de la lutte armée et des espoirs trahis d‘un peuple. "Aman iman", le nouvel opus de Tinariwen, est sans conteste le meilleur du groupe.
Après "Amasakul n Tiniri", le groupe, salué par les critiques et récompensé par plusieurs prix, signe un nouvel album marqué par une musique âcre qui s’adresse aux corps, aux âmes et aux cœurs.
"Aman iman" renferme des chants d’errance et d’exil, de nostalgie (Asuf), de l’identité, de révolte et d’amour.
L’Œuvre rend hommage à la langue Tamacheq ignorée, bafouée et combattue, à Mano Dayak [1], et aux victimes de la révolte des Kel Tamachaq de l’Adrar n Ifoughas en 1963. Ce soulèvement a été maté dans le sang par l’armée malienne tuant des bébés, des femmes et des vieillards.
"L’année 63 a eu lieu elle se répétera
Ses jours ont laissés des traces
Elle a assassiné des vieux et même un nouveau-né
Elle est entrée dans les pâturages elle a tué le bétail
L’Amérique et le Liban sont témoins
La Russie fournissait le "feu en flamme" ..." [2]
Les membres de Tinariwen, héros de la rébellion des Kel Tamacheq qui partaient en guerre une kalachnikov en bandoulière et une guitare dans la main sont devenus les messagers d’un peuple et les hérauts de la résistance contre toute forme d’oppression politique. Tinariwen ont su s’imposer sur la scène internationale et à se faire un nom dans les quatre coins de la planète. Des stars internationales du rock et de blues ne jurent plus que par eux. Certains s’inspirent même de leur musique pour composer leurs albums.
Robert Plant, membre du groupe de blues anglais "Led Zeppelin" avait écrit qu“écouter Tinariwen, c’est comme laisser tomber un seau dans un puits profond”.
Carlos Santana, un autre monument de la World musique, avait dit sur la scène du Festival de Jazz de Montreux en 2006, alors qu’il partageait la scène avec ces poètes emblématiques : "lorsque je les entends, j’entends le commencement de la musique du Mississippi et de Muddy Waters, Jeff Beck, BB King, Little Walter, Otis Rush, Buddy Guy... c’est de là que tout vient, ils sont les précurseurs."
Le groupe est apparu au Pays touareg en 2001. Il a rencontré un succès fulgurant que peu de musiciens des Kel Tamacheq ont égalé.
Véritables globe-trotters, les membres de Tinariwen ont tourné dans les quatre coins de la planète et joué dans des festivals prestigieux. Ils ont eu également à partager la scène avec Robert Plant, Carlos Santana, Taj Mahal et bien d’autres. Ils sont les meilleurs ambassadeurs de la culture du peuple Kel Tamacheq qu’ils exposent là où ils chantent.
Cette réussite a ouvert la voie à de nombreux groupes issus du désert pour se reproduire sur des scènes internationales.
Que dire de plus sur Tinariwen et les éclats envoûtants et étonnants de leurs guitares électriques qui nous plongent dans la nuit de la tragédie des Kel Tamacheq et leur combat pour survivre sous les feux croisés de plusieurs dictatures ?
Que dire de plus sur ces chanteurs qui plongent leurs couteaux dans les plaies de notre peuple, l’appelant à se mettre debout ?
Je vais me contenter de me poser la question que se posent les critiques de la World musique : "Et si Tinariwen est le meilleur groupe du Rock au monde ?".
Pour moi, il l’est. Sûrement.
Lhoussain Azergui
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[1] Leader d’opinion des Kel Tamacheq de l’Aïr, disparu dans un mystérieux accident d’hélicoptère en 1995. Il est auteur de plusieurs essais sur la culture et la politique.
[2] Fragment de la chanson "Soixante trois"